La jeunesse a des problèmes, la droite palaisienne a des solutions

Guillaume Caristan et Amélie de Montchalin

Ils étaient six candidats présents, mardi 6 juin, au débat sur les législatives organisé par la MJC de Palaiseau. Au programme : jeunesse, culture, éducation populaire et vie associative. Soyons clair, tous les candidats mériteraient qu’on s’attarde en détail sur leurs cas, tellement leurs discours nous ont transcendés. Cependant le plus étincelant fut sans conteste Guillaume Caristan, suppléant de la candidate d’union entre Les Républicains et l’UDI et sur-brillant adjoint au maire de Palaiseau en charge de la jeunesse.

Un petit mot d’abord sur les trois partis de gauche (EELV, FI et PC) qui, à quelques nuances près, radotent le même programme, mais décident de présenter trois listes différentes pour renflouer leurs caisses, puisque chaque voix vaut son pesant d’or : 1,42 euros en moyenne(1). C’est la convergence des luttes qui va être contente. Pour Guillaume Caristan et la droite palaisienne en revanche, c’était tranquille. Comme il n’y avait ni Debout La France, ni les Frexit, ni le FN, ni les Divers Droite, il y avait de quoi remercier l’organisation. Ne parlons même pas des Pirates, des Animalistes, des Communautaristes, de la bande à Lalanne, et des Ouvriers : heureusement le président de la MJC sait mettre des limites à l’éducation populaire, tous ces partis n’étaient même pas invités. Pourtant, ce n’était pas la place qui manquait, puisque la salle n’était à peu près remplie qu’au tiers. Étaient d’ailleurs présents, quasi-exclusivement, les militants des différents partis. Ainsi, chacun pouvait soigneusement applaudir son candidat à la fin de son intervention. On ne peut pas dire que ce soit la meilleure configuration pour convaincre de potentiels électeurs, mais au moins ça fait sport.

Mais bien sûr, il y avait Jérôme Guedj, éléphanteau frondeur-sortant du Parti Socialiste. Il s’est positionné en donneur de leçon, dépassant largement son temps de parole, mais on le comprend, il avait tellement de choses à dire. À chaque occasion, il n’a pas manqué de rappeler, d’un éloquent langage bureaucratique, que lui avait déjà été député… et qu’il savait donc que certaines choses étaient possibles et que d’autres non. Il a quand même concédé que les marges de manœuvres étaient fortement réduites. Vu son bilan de député, on ne s’en serait pas douté.

Enfin, était également présente la candidate d’En Marche !, Amélie de Montchalin et sa délicieuse vision de la culture. Quand on lui demande ce qu’elle propose pour la culture alternative, elle met d’abord en garde contre les dangers du clientélisme. Ayant bossé chez EXANE BNP Paribas et désormais chez AXA, elle sait de quoi elle parle. Puis elle a ajouté très sérieusement qu’« on a sur notre territoire des auditoriums dans toutes les entreprises magnifiques du plateau, qui sont vides tous les soirs. Je pense qu’il y a beaucoup de jeunes qui seraient ravis de faire de la musique, du théâtre dans ces lieux… » et d’ajouter que « l’auditorium du siège social de Carrefour est magnifique et n’est utilisé que dix jours par an… ». De quoi faire vibrer la fibre artistique et culturelle de toute une jeunesse en mal d’espaces indépendants. Le projet d’En Marche ! c’est la vie dans l’entreprise : on y travaille, on y mange, on y fait garder ses enfants et bientôt on pourra y pratiquer ses loisirs. Et pourquoi ne pas y dormir ? Si un jour l’entreprise développe un service funéraire on aura même plus besoin de la quitter ! À creuser…

Mais venons-en à la star de la soirée, à notre Étoile : le suppléant de Françoise Couasse, Guillaume Caristan. Le candidat des Républicains, soutien à Jean-François Copé aux primaires de la droite s’est, comme son mentor, particulièrement illustré lors des débats. Dans une ville qui semble souffrir de la politique culturelle des LR (festivals annulés comme le CCJ en Scène, La Pie Rock, la Fête de la Montagne ou encore Aoutside, la fermeture d’un lieu de vie culturel, la réduction des moyens sur les événements de la ville, la réduction des subventions pour de nombreuses associations…) le jeune adjoint fait état d’un bilan bien chargé. Et c’est justement sur son domaine de prédilection, la jeunesse, qu’il nous a illuminés.

Ça a commencé fort : « La jeunesse c’est un sujet qui est extrêmement important parce que c’est l’avenir de notre pays » a courageusement déclaré M. Caristan. Dans le genre vérité-vraie on ne fait pas mieux. À la question « quelles ambitions pour la jeunesse ? » il a évidement brillé d’originalité : les jeunes s’expatrient, il n’y a pas d’emploi, il faut les former, favoriser l’apprentissage, encourager l’alternance… pour en arriver au cœur du sujet, le sujet qui lui tient à cœur : « je suis favorable au travail le dimanche (…) C’est important pour les jeunes, pour ne pas nuire à leur réussite en cours, il faut que les étudiants puissent travailler, et un nombre d’heure limité, et bien rémunéré ». Pour aider les étudiants, le jour de paix est en passe de devenir le jour de paie. À n’en pas douter, ils seront ravis de se vider la tête en faisant la caisse à Carrefour, Mme de Montchalin en conviendra aisément. Pour M. Caristan, pas question pour l’État de mettre la main à la poche afin d’éviter aux jeunes les emplois précaires et épuisants pendant leurs études… On ne va pas en faire des assistés quand même ! D’ailleurs, une personne dans la salle a osé lui demander ce qu’il pensait du revenu universel. Avant de répondre, M. Caristan s’est habilement empressé de le rebaptiser « allocation » universelle. Appelons un chat un chat. « Philosophiquement, je ne comprends pas qu’on puisse dire à un jeune ‘ton avenir c’est de toucher une allocation sans contrepartie’, et on s’arrête là. Je pense que respecter la jeunesse c’est lui dire qu’elle peut avoir les moyens de s’en sortir, qu’elle peut arriver à se former, à avoir un emploi et donc ne pas vivre d’une allocation mais vivre de son travail, et s’épanouir dans son travail ». Ah cette jeunesse et son rêve éternel de ne rien foutre en vivant des allocs… Finira-t-elle un jour par grandir ?

Une fois lancé, notre champion était inépuisable. Concernant la question de la dépénalisation du cannabis par exemple, l’adjoint a fait preuve d’une bravoure digne des plus grands hommes politiques de droite. Il s’est déclaré « outré des ravages que cette drogue fait sur notre jeunesse » ajoutant que c’est « l’interdit qui empêche un grand nombre de jeunes d’essayer le cannabis ». Des mauvaises langues pourraient dire que c’est une des drogues les moins nocives, loin derrière l’alcool ou le tabac(2), et que la France en est le plus grand pays consommateur d’Europe(3), tout en ayant une juridiction des plus répressives et coûteuses. Mais on va pas commencer à prendre en compte les divagations gauchistes de toxicomanes ! Non, là ou M. Caristan est novateur au sein de son parti, c’est sur l’instauration d’un système de contravention pour les consommateurs. En résumé : pas de prévention mais des interdictions et de la répression ! À n’en pas douter, c’est ainsi que tout ira mieux.

Ensuite il a encore parlé d’emploi, plus particulièrement de création d’emploi. L’élu a une solution toute faite : « Qui est-ce qui crée de l’emploi ? C’est les entreprises notamment. Et les entreprises bah il faut les aider à créer de l’emploi. Comment on fait ? Eh bah on baisse les charges qui sont très élevées dans ce pays. » Monsieur Caristan a intelligemment choisit ses mots en démasquant le vocabulaire marxiste habituellement utilisé : il a préféré parler de charges (poids) plutôt que de cotisations sociales (entraide). Évidement, le public palaisien n’a pas pu s’empêcher de réagir : « il y a des mots, il faut s’en servir » lui a crié un membre de l’audience. Alors M. Caristan, flamboyant, a rétorqué : « mais attendez, si vous avez quelque chose à dire, dans ce cas il fallait être candidat et on aurait pu écouter votre avis ». Il a ajouté : « c’est dommage parce que là vous êtes en train d’annuler le débat ». D’ailleurs, c’est pour favoriser ledit « débat » que les dix autres candidats n’avaient pas été conviés. C’est là qu’on a assisté à un véritable coup d’État ! « Je suis citoyen, tu viens demander mon suffrage, c’est moi le souverain, j’ai des choses à te dire. Le pouvoir que tu exerceras, c’est celui que nous t’aurons confié ! » s’exclama un palaisien sorti de ses gonds. Rira bien qui rira le dernier : une fois les cotisations sociales baissées, on verra s’il a le temps de jouer au gauchiste à la MJC un mardi soir sur son temps libre. D’ailleurs on verra bien si y’a encore une MJC.

Revenons à notre sujet : les jeunes. Dans l’audience, ils se comptaient sur les doigts d’une main, voire deux. Là par contre, durant son intervention sur la compatibilité entre la culture alternative et les formations politiques, on a senti que M. Caristan commençait à faiblir. On a presqu’eu l’impression qu’il ne comprenait pas le sujet : théâtre, expositions, sorties scolaires, conservatoires… La culture alternative, la vraie quoi. Jusqu’à cette phrase extraordinaire : « On a des lieux d’accès à la culture, effectivement, mais ils sont en danger. Notamment dans les centres-villes (…) il faut absolument lutter contre la fermeture de ces établissements culturels ». Alors là, le public palaisien, mal-élevé comme il est, n’a pas pu s’empêcher de bondir une fois de plus : « La fermeture du Ferry ! », « l’annulation d’Aoutside l’année dernière ! », « la Fête de la Ville ! » Ça a fusé de partout… Mais notre Étoile n’a pas tenté de filer pour autant. Il propose même des solutions : « Il faut inciter le mécénat culturel auprès des particuliers et des PME en défiscalisant… heu, en augmentant les plafonds de réduction d’impôts ». Ce qui revient à encourager les entreprises et les bienveillants donateurs à sponsoriser des initiatives locales. C’est ce qu’on appelle le mécénat culturel : cadeaux fiscaux, baisse d’impôts pour les bienfaiteurs, le tout assorti d’une belle caution éthique. En gros, des assos à la merci des entreprises et en prime des cadeaux fiscaux… En voilà une riche idée ! Un beau programme qui permettra à la culture alternative de rayonner, cela ne fait aucun doute.

M. Caristan a été d’une clarté éblouissante quant à la vision des LR sur la jeunesse. Heureusement que, tels l’étoile du berger, lui et son parti sont là pour guider tous les jeunes, en qui sommeillent des profiteurs d’allocs et des fumeurs de joints irresponsables en puissance. Quant à la culture alternative, à Palaiseau, elle n’aura qu’à s’accommoder des entreprises du plateau ! Après tout, cela fait trois ans maintenant que la méthode de choc de la municipalité fait ses preuves à Palaiseau, non ? On ne peut qu’espérer qu’un ras-le-bol des Palaisiens envers les politiques LR n’atteigne pas notre Étoile républicaine, au risque qu’elle ne s’éteigne à jamais dans le ciel de la 6ème circonscription de l’Essonne…

Par Raphaël Godechot et Mike Strach
Photo : Sévan Melkonian

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