Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres, on aurait dû être à Aoutside. Pour l’occasion, nous avons parlé à Noémie Chaminade, une des régisseuses du festival depuis 3-4 ans. Elle est aussi membre fondatrice de l’Opération Maxi Puissance (OMP). Noémie nous explique pourquoi cette édition du festival n’a pas eu lieu.
Peux-tu nous expliquer ton rôle dans l’organisation d’Aoutside ?
Je m’occupe avec Solène, l’autre régisseuse, de toute l’organisation : la coordination avec la technique, avec les services techniques de la ville de Palaiseau; des demandes de devis; des réunions sur la sécurité avec la police, la gendarmerie; de la licence de débit de boisson…
Peux-tu nous parler du festival Aoutside ?
Cela fait maintenant 7 ans que Aoutside existe. En fait, on voulait faire un événement marquant pour le premier anniversaire de l’association, faire un truc qui soit une vitrine de l’association, qui corresponde à des valeurs que l’on porte, qui mette en avant les artistes que l’on soutient. Donc cela a commencé à l’Yvette il y a 7 ans, ensuite on a bougé au stade, on a eu 7 000 personnes l’année dernière. On a un public qui est plutôt jeune, même si on a de tous les âges. C’est vraiment bonne ambiance, on n’a jamais beaucoup de problèmes sur cet événement. C’est un événement plutôt bon enfant, avec beaucoup d’artistes qu’on soutient, de projets qu’on soutient, de trucs qu’on a envie de faire découvrir aux autres… À la base on voulait être un peu le festival de la découverte, faire découvrir aux gens de Palaiseau des trucs qui nous tenaient à cœur. On l’a créé dans une dynamique locale.
Aoutside n’aura pas lieu cette année. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
En gros, on a eu pas mal de soucis sur cette édition, sur le plan technique, sur des questions de délais. Mais rien d’alarmant, on a réussi à rattraper le coup.
Notre plus gros problème concernait le débit de boisson. Le site du festival est exploité par la ville de Palaiseau mais appartient à la ville de Villebon-sur-Yvette. Du coup, on a fait la demande de débit de boisson à Palaiseau et à Villebon.
Juste pour rappel, l’autorisation de débit de boisson dépend du maire exclusivement; il peut demander un avis extérieur, mais c’est à lui de prendre la décision. Du coup ça fait déjà 2 ans qu’on la demandait à Villebon, il n’y avait pas de problème, le maire était plutôt impressionné par ce que l’on faisait. Il trouvait l’initiative plutôt cool, et il n’a jamais remis en cause le fait de nous délivrer la licence de débit de boisson. Cette année, on avait envoyé un mail pour le rencontrer avant le festival, pour discuter du projet, mais il ne nous a pas répondu.
Du coup, on a fait une demande de débit de boisson à Palaiseau et à Villebon. À Palaiseau ça a été accepté. Par contre, on a reçu un mail de refus du maire de Villebon, expliquant que sur le conseil de la gendarmerie de Palaiseau, il refusait de nous donner l’autorisation. On a donc essayé de contacter la mairie et la gendarmerie pour essayer de comprendre ce qui s’était passé.
Peux-tu détailler les échanges avec la gendarmerie ?
On a d’abord contacté la gendarmerie. En fait, durant les mois d’organisation du festival, on organise plusieurs réunions sécurité qui rassemblent les services de police (police municipale, nationale et gendarmerie), unité mobile de premiers secours (UMPS), l’entreprise de sécurité avec laquelle on travaille et nos interlocuteurs au stade. Ces réunions traitent des dispositifs de sécurité : évacuation en cas d’urgence, balisage des rues, dispositifs de prévention, placement des agents de sécurité et la question de l’alcool.
Nous sommes pour autoriser le public à rentrer avec son propre alcool car ça évite le « hard drinking » (finir vite son alcool avant de rentrer dans le festival) : les risques de problèmes liés à l’alcool sont moins importants car ils peuvent boire tout au long de la soirée.
Autant la police municipale aurait préféré interdire complètement l’alcool venant de l’extérieur sur le site, autant le représentant de la gendarmerie qui suit ces réunions depuis quelques années était plutôt d’accord avec nous. Il nous a davantage mis en garde sur le fait de ne pas laisser rentrer des personnes trop alcoolisées car s’il y a un problème ça relève de notre responsabilité.
On a alors essayé de re-contacter notre interlocuteur à la gendarmerie pour voir ce qui s’était passé. Pourquoi il remettait maintenant en question la licence de débit de boisson alors que ça n’a jamais été le cas ?
Comme notre interlocuteur était en congés, nous avons pu échanger directement avec son supérieur, le chef de brigade. Pour lui l’alcool était un problème majeur sur le festival et il avait rendu son avis négatif à cause d’un incident qui est survenu l’année dernière : une personne en état d’ébriété prononcé avait été évacuée. De ce qu’il m’a dit il considérait qu’à partir du moment où il y avait une fête et des jeunes, il ne devrait pas y avoir d’alcool, même si ces jeunes sont majeurs. Je lui ai rappelé nos arguments sur la question de l’alcool : que le fait de servir nous-même de l’alcool permettait d’être vigilants vis-à-vis des personnes trop alcoolisées qui peuvent être ensuite redirigées vers les premiers secours, que nous faisons une veille constante sur le site notamment grâce à l’UMPS et à l’équipe de sécurité, que nous allions travailler avec des professionnels en addictologie, que nos dispositifs de prévention prévoyaient des covoiturages, une communication sur les horaires de trains et de Noctiliens…
Il m’a répondu qu’il avait seulement donné son avis au maire, mais que c’était au maire de prendre la décision finale, mais que lui ne reviendrait pas sur son avis défavorable.
J’ai donc essayé de contacter le maire de Villebon, pour essayer de lui faire changer d’avis, mais il n’a jamais voulu qu’on se rencontre. Tous nos échanges se sont faits par mail. Il nous a tout simplement expliqué qu’il ne changerait pas d’avis sans un papier signé de la gendarmerie indiquant qu’elle donnait un avis favorable.
J’ai ensuite rappelé la gendarmerie pour essayer de convaincre de nouveau le chef de brigade.
J’en suis donc venue à expliquer que si nous ne pouvions avoir l’autorisation du débit de boisson, nous ne pourrions pas faire le festival puisque la recette de l’alcool était une part importante du budget. Il m’a répondu qu’on se faisait de l’argent sur l’alcoolémie des jeunes ou un truc du genre. Je lui ai répondu que ce n’était pas ça, mais que comme dans tout événement, comme lors de la Fête de la Ville de Palaiseau, Les Guinguettes de l’Yvette, le Bout-Galeux, etc., la buvette entrait en compte dans l’équilibre budgétaire. Il nous a dit que c’était pas vraiment son problème.
On s’est senti impuissants et incompris face à la situation. La parole d’une personne que nous n’avions jamais vue a été suffisante pour nous faire annuler le festival. Alors que notre dossier sécurité avait été validé en préfecture selon les directives de l’état d’urgence.
Tu penses que l’incident qui s’est passé l’année dernière a été utilisé comme prétexte à la non-autorisation du débit de boisson ?
Oui. Ils nous ont dit que c’était un événement à problèmes et que les problèmes venaient principalement de la consommation d’alcool en prenant pour exemple l’accident de l’année dernière. Ne voulant pas prendre le risque que cela se reproduise, ils ont préféré empêcher qu’on puisse vendre de l’alcool. Après, il n’a pas tort en disant qu’il ne fait que donner son avis, nous en voulons davantage au maire qui a refusé d’entendre nos arguments.
Peux-tu nous donner des détails sur l’incident de l’année dernière ?
Apparemment une personne alcoolisée a pris de la drogue et a fait une mauvaise réaction et du coup a été évacuée chez elle il me semble. Ça arrive, je crois qu’il s’en est sorti sans problème.
Tu penses qu’il y a d’autres raisons derrière cette non-autorisation du débit de boisson ?
Je n’ai pas envie d’extrapoler. Ce que j’en pense, c’est qu’il y a un contexte actuel un peu particulier de psychose générale avec l’état d’urgence. La question de l’alcool est sensible, puisqu’on nous a déjà demandé de travailler dessus, ça fait plusieurs années qu’on améliore le dispositif de prévention, et que c’est un sujet récurrent lors des réunions sécurité.
Après, il y a d’autres questions sensibles telles que celle des palettes à Palaiseau, contre lesquelles le maire est très réfractaire. On nous a clairement dit : « le maire ne veut pas de palettes ». On ne nous a jamais dit clairement pourquoi.
L’organisation du chantier avait aussi posé des problèmes. Au départ nous souhaitions le faire au Ferry, mais le maire de Palaiseau avait refusé. La directrice du service culturel nous avait expliqué que c’était parce que la mairie ne voulait pas que du mobilier soit construit dans la cour, afin que des gens puissent revenir se poser et donc qu’il y ait une nouvelle vie au Ferry (article Le Petit ZPL n°1 : « Comment faire mourir un lieu culturel »). La seule solution qu’ils nous offraient, c’était le stade de Palaiseau, sans abris et sans espace pour stocker le matériel, sur de l’herbe, dans des conditions d’accueil à la limite de l’acceptable. On nous reproche d’être trop « à l’arrache », mais on ne nous donne pas de bonnes conditions pour travailler correctement.
Bref, pour moi ça participe un peu d’un contexte général dans lequel c’est difficile d’organiser un événement tel qu’Aoutside. Dès qu’on veut faire quelque chose pour le festival, ça devient un combat, c’est pesant. Je trouve ça bizarre que le maire de Villebon n’ait jamais voulu si ce n’est nous recevoir, au moins nous appeler, alors qu’il savait que nous annulerions le festival sans cette autorisation de débit de boisson. Il ne nous a même pas répondu après qu’on lui a envoyé un mail pour le prévenir que nous annulions le festival.
Tu penses qu’il y a eu des pressions pour que le festival soit annulé ?
On ne peut pas dire ça car ils n’ont pas annulé le festival. Nous l’avons fait suite à leur décision de nous refuser la licence de débit de boisson. Maintenant de dire est-ce que la ou les municipalités et la gendarmerie se sont entendues pour refuser cette licence pour que l’événement n’ait pas lieu, à cause du bruit, de l’alcool, des problèmes de sécurité, du contexte d’état d’urgence… C’est pas impossible car même si officiellement ils nous disent qu’ils sont fiers d’aider la jeunesse et la culture, on sait que cet événement (au même titre qu’un lieu alternatif comme Le Ferry) pose problème (nuisances, sécurité, organisation…). Mais on n’en sait rien et on ne le saura jamais.
Aoutside aura lieu l’année prochaine ?
Oui. On espère que ça aura lieu à Orsay, ils ont l’air plutôt emballés par le projet, même si pour l’instant rien n’est décidé. On a eu un premier contact avec eux, on a déjà des idées de lieux.
Propos recueillis par l’équipe du Petit ZPL