J’étais content, le 8 avril. Je recevais la Lettre du maire. Là, dans ma boîte, en plein confinement ! Ça m’a touché.
Pour l’occase, le Maire avait mis en première page sa photo de communiant. Ça m’a rassuré qu’il sourie comme ça, en première page. Il était comme un phare dans la tempête, un chef de nous-sommes-en-guerre ! J’ai eu envie de me raccrocher à lui en ces temps durs que nous traversions.
Et j’ai bien fait parce que bim, là, en page 2, le Maire me parle. À moi. Je te jure que c’est vrai. Le Maire me dit : « l’aide aux devoirs continue, les bénévoles de l’association Satellite et de la Pause Cartable poursuivent leur mission d’accompagnement ». Je suis vachement fier parce que je suis bénévole pour l’aide aux devoirs, tu vois. Tant qu’il me tient, le Maire me balance : « un travail est en cours avec l’Éducation nationale, pour les enfants ayant tout particulièrement besoin d’un accompagnement. La ville participera à cette initiative en mettant à disposition des tablettes numériques ».
Ça tombait trop bien. Le collégien qui me supporte à l’aide aux devoirs n’a qu’un téléphone portable pour se connecter. Le collège à la maison sur un écran 4 pouces, ça commençait à devenir galère. Alors quand le Maire me susurre à l’oreille des promesses* de tablettes numériques, eh bien… je suis troublé… je sens monter le désir. Le Maire insiste. Il me parle en gras en bas de la page 2 : « je vous demande de faire remonter aux services de la ville toutes les situations difficiles dont vous pourriez avoir connaissance ».
Alors je décide de sauter le pas. Je fais remonter la situation galère dont j’ai connaissance aux services de la ville par tous les moyens à ma disposition. J’appelle dès le samedi. Je relance le mardi. J’envoie un mail à « contact » le mercredi. Je rappelle le jeudi et je chope le 06 et l’arobase de la Directrice Éducation en personne ! Je pousse ma situation jusqu’au sommet !
Et là… douche froide. Les tablettes sont réservées aux élèves de l’élémentaire repérés par l’Inspection académique. Normal. Le repérage des situations difficiles, tu vois, c’est sérieux. On peut pas confier ça aux parents ou aux associations. J’insiste : le collège n’a plus de tablettes à distribuer, on pourrait pas faire une exception ? Réponse : nan ! Même si c’est galère ? Même ! Les tablettes, c’est comme les masques, y’en a pas pour tout le monde.
Et puis le réseau a trouvé l’amie d’une amie qui a proposé de lâcher une tablette. Comme ça. Sans validation préalable par l’Inspection académique. Une vraie tablette, tu vois, pas une en papier comme celle du Maire. Je sais pas si l’amie d’une amie a l’habitude, elle aussi, de faire une Lettre aux Palaisiens chaque fois qu’elle distribue une tablette, mais si elle fait ça, je m’abonnerai plutôt à la sienne.