Sur le plateau de Saclay les arbres sont coupés en nombre pour en faire du bois de chauffage
L’exploitation commerciale bat son plein dans les bois en lisière du Plateau de Saclay, quartier du Moulon. Les forêts du domaine de l’Université Paris-Saclay, ex. Paris-Sud, ont été soumises à coupe draconienne ce printemps. Toutes sortes d’arbres y sont passés dont hêtres et chênes et les photos du résultat indiquent que le prélèvement n’a rien d’une coupe anecdotique.
Quand on voit ce que devient par ailleurs le plateau, avec ses pylônes de ligne 18, ses zones rasées, retournées, bétonnées, ses amas de terre, ses machines et son bruit de partout, on espérait que ce qu’il reste de nature dans la tant vantée ZPNAF, puisse se reposer un peu. Rappelez-vous, la ZPNAF c’est la Zone de Protection Naturelle, Agricole et Forestière de 4115 ha, définie par décret en juin 2010.
Pour le repos de la nature, c’est non. L’Office national des forêts (ONF) est là pour l’exploitation de la filière bois. Et c’est en effet à l’ONF qu’a été confiée la gestion des zones boisées du domaine de l’université. Les bois de la lisière sud de la zone du Moulon en font partie. Ailleurs en Île-de-France, le même phénomène de coupe draconienne a conduit une vingtaine d’associations à lancer en 2021 l’appel des forêts d’Île-de-France. (1). Mais voilà, l’Office, mis récemment en difficulté par l’État, a grand besoin de faire du business pour se renflouer lui-même.
Si on demande leur avis aux « spécialistes », puisqu’il semble qu’il y ait des élus écologistes dans les conseils, comme les conseils municipaux , départementaux, etc., ils répondent en général : « Je ne suis pas spécialiste de la question des coupes d’arbres en forêt ». Mais étrangement ils ajoutent que certainement « les coupes sont favorables, même si c’est contre-intuitif, puisqu’elles permettent de faire entrer la lumière en forêt pour le développement des plantes plus basses qui sinon, restent atrophiées. »
Cette argumentation est servie systématiquement pour justifier les coupes sévères. Par exemple par le service communication de la Direction du Patrimoine de l’université, qui déclare dans un courriel de réponse à nos questions : «Il s’agit d’une coupe d’amélioration dans le cadre de notre plan de gestion forestier : l’intervention consiste à abaisser la densité / desserrer le peuplement en sélectionnant certains sujets les moins prometteurs afin de favoriser les plus vigoureux (vigueur, absence d’anomalies ou défauts de croissance). »
Bien sûr, le service de l’Université ne va pas jusqu’à avouer que le bois coupé sera vendu en bois de chauffage par le prestataire privé qui réalise les coupes, la société ADI BOIS que nous avons également contactée. Eh oui, la pression de la filière bois de chauffe sur la forêt française est très forte et « la critique monte du côté des scientifiques sur l’abattage d’arbres pour les besoins en chauffage et la pollution induite par ce mode de combustion. », selon un article du journal le Monde de juillet 2021 (2).
Admirons tout de même l’élégance du vocable « coupe d’amélioration » et reconnaissons, ironiquement, la grande chance qu’ont la nature en général et la forêt en particulier de disposer en l’être humain d’un ouvrier si bien disposé à son « amélioration ».
D’habitude, on présente plutôt les rares forêts préservées qui restent de par le monde comme des puits de carbone et des réserves de biodiversité, sans ce besoin d’amélioration. Rappelons que la biodiversité est extrêmement menacée de partout et qu’on parle de la sixième extinction de masse.
Cela conduit parfois à considérer qu’il faudrait laisser des forêts en libre-évolution (3). Que les adversaires de la notion soient parfaitement rassurés car en bordure du plateau de Saclay, c’est plutôt la tronçonneuse qui semble évoluer librement.
Quoi qu’il en soit les articles scientifiques que nous avons consultés ne semblent pas confirmer l’optimisme des élus quant à la pertinence des coupes sévères en forêt, Par exemple, cet article publié dans la revue scientifique GCB-Bioenergy: « Le prélèvement de biomasse à grande échelle n’est ni soutenable, ni neutre en matière de gaz à effet de serre » (4). D’ailleurs, une forêt clairsemée pourra-t-elle se défendre contre les chaleurs intenses et les périodes de sécheresse qui seront notre avenir ?
(3) À l’instar du philosophe du vivant Baptiste Morizot
(4) https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1757-1707.2012.01169.x