Mercredi 1er février, trois réfugiés afghans ont passé 9 heures de garde à vue au commissariat de Massy (91), à la suite d’une descente de police au Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU). Le matin, le directeur de ce centre géré par le Secours Islamique avait annoncé la fin de leur prise en charge, les accusant de « Faits de violence mettant en danger le collectif et le personnel ». L’ensemble des résidents du CHU protestait contre cette décision et contre cette accusation qu’ils estimaient injustifiée et ils trouvaient intolérables les propos insultants du directeur. « Vous êtes des animaux » avait-il la veille au soir répondu aux trois hommes placés en garde à vue, venus alors lui faire part des conditions difficiles de vie au Centre.
Ce n’était pas la première fois que ce dernier injuriait les personnes hébergées. Les résidents ont donc répondu que si ces trois personnes étaient mises dehors, ils partiraient tous et iraient se plaindre à l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Une cinquantaine de demandeurs d’asile ont fait leurs valises, prêts à partir. Face à cette mobilisation, le directeur a appelé la police, prétendant que les résidents faisaient preuve de violence envers lui.
C’est alors que les trois personnes ont été interpellées et placées en garde à vue durant 9 h. Les associations parisiennes, Paris d’Exil, La Chapelle Debout, Le BAAM, et sur place, La Cimade et des amis de l’Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau alertés intervenaient pour demander leur libération.
Dialogue impossible
Mais que leur était-il vraiment reproché ? Au cours d’une entrevue la veille au soir avec le directeur du Centre où ils lui demandaient d’améliorer leurs conditions d’hébergement défaillantes, ce dernier leur intimait de se taire, précisant qu’il n’était pas là pour écouter leurs problèmes. Un premier demandeur d’asile lui répondait que les individus hébergés dans ce centre étaient des personnes humaines, et qu’en tant que directeur il se devait d’être à leur écoute, et de prendre en compte leurs problèmes. C’est alors que le directeur leur a répondu « You are animals and you don’t have problems » (Vous êtes des animaux, vous n’avez pas de problèmes). Un deuxième demandeur d’asile a tapoté l’épaule du Directeur, qui ne l’écoutait pas, afin de lui signifier que les agents de sécurité avaient refusé de lui servir son repas le lundi. Suite à l’arrivée de deux personnes venues visiter le centre, le Directeur a prétendu devant eux que cet homme avait fait preuve de violence envers lui et commencé à lui hurler dessus, et à l’humilier. Le Directeur a alors annoncé qu’il mettait à la porte ces deux demandeurs d’asile. Un agent de sécurité a affirmé qu’un autre demandeur d’asile avait également été violent envers lui quelques jours plus tôt. Le directeur a alors décidé que ce dernier serait également mis dehors, sans même chercher à savoir si l’accusation de l’agent de sécurité était fondée. Ces décisions de fin de prise en charge correspondaient alors à des représailles et à des mesures d’intimidation vis à vis de ceux qui osaient se plaindre de leurs conditions de vie déplorables.
Après l’arrestation, le reste des hébergés a signifié son mécontentement et l’envie de quitter ce Centre au directeur, qui leur a répondu qu’ils pouvaient « foutre le camp » ; il les a de nouveau insultés. Les demandeurs d’asile ont été qualifiés d’illettrés et de terroristes. Ils ont alors quitté le centre, pour se rendre ensemble à l’OFII, à Paris (Bastille). La personne qui les a reçues à l’OFII a affirmé ne pas pouvoir les aider et les a incités à retourner dans le CHU de Massy.
Une fois de retour, ils ont dû subir la moquerie et les menaces du directeur. « You see, I told you, you can’t do anything » (Vous voyez, je vous l’avais dit, vous ne pouvez rien faire). « I am your boss, if you want to live here, you must do how I say. Otherwise, most of you are Dublin… I will give you to the police and they will send you back from where you came » (Je suis votre chef, si vous voulez vivre ici, vous devez faire ce que je dis. Sinon, la plupart d’entre vous est en procédure Dublin… Je vous livrerai à la police et ils vous renverront d’où vous venez). (La procédure Dublin vise à renvoyer un étranger dans le pays par lequel il est entré, et dans lequel il a été contrôlé)
Des problèmes récurrents
Les personnes hébergées affirment subir ce genre de propos très régulièrement, de la part du directeur mais également des agents de sécurité. Le CHUM de Massy accueille 70 hommes isolés en demande d’asile, présents depuis début novembre et l’évacuation du dernier campement de rue à Paris dans les secteurs de Stalingrad et Jaurès. De nombreux signalements alertant de la situation dans ce centre permettent d’affirmer que des problèmes existent et que les conditions de vie des demandeurs d’asile sont très préoccupantes : absence de suivi social depuis fin décembre, contrats des travailleurs sociaux non renouvelés, seuls les contrats des vigiles l’ayant été, situation sanitaire déplorable, notamment 4 douches pour 70 personnes et très vite pas d’eau chaude, conditions quasi carcérales ; en bref et malheureusement comme dans d’autres centres d’hébergement de migrants, aucun respect du code de l’action sociale.
Ces événements témoignent des humiliations et menaces quotidiennes subies par les résidents qui vivent dans des conditions d’hébergement plus que défaillantes. Tous ces dysfonctionnements ont été signalés à plusieurs reprises par les résidents eux-mêmes, par des travailleurs sociaux et par les associations (Paris d’Exil, La Chapelle Debout, Le BAAM) aux administrations compétentes. Ces dernières, bien qu’averties de la situation, n’ont manifesté aucune réaction. Un état des lieux très précis et terriblement dénonciateur a été fait par Paris d’Exil. Il n’y a malheureusement pas qu’à Massy que les migrants, sous couvert de mise à l’abri, se retrouvent dans des Centres, sous contrainte, sans soutien social et juridique, dans des conditions dégradantes et sans respect de leurs droits fondamentaux, comme différents intervenants en ont témoigné lors de la réunion publique de l’OEE (Observatoire de l’Enfermement des Étrangers) du 30 janvier dernier.
C.P. (observatoire citoyen du CRA de Palaiseau)
Illustration : Wayne