« La marche en arrière n’est plus possible. […] Le plateau doit devenir un campus métropolitain. »
M. Macron, le 25 octobre 2017
Les propos de M. Macron sont révélateurs du projet pour le plateau de Saclay. Les déclarations de nos élu⋅e⋅s de proximité en disent long également. Ce serait « un espace vide, un fabuleux laboratoire pour imaginer la ville durable » dans l’esprit de Mme Pécresse, de M. Bournat ou de Durovray. De réelles menaces pèsent sur cette zone sanctuarisée non urbanisable, habitée par une faune et une flore variées, et exploitée en grande partie par des agriculteurs, pépiniéristes, centres équestres et exploitants forestiers.
Née de l’obstination de collectifs et d’associations alarmé⋅e⋅s par l’urbanisation de 1 000 ha entre 1980 et 2008, la ZPNAF a été promulguée par la loi du 3 juin 2010(1). Elle vise à protéger de la spéculation et de l’urbanisation 4 115 ha du plateau de Saclay – dont 2 469 ha consacrés exclusivement aux activités agricoles – et 1 646 ha d’espaces forestiers et humides. Elle prévoit que les acteurs institutionnels du territoire se dotent d’un programme, d’une charte et d’un comité de pilotage. Les communes ont obligation de réviser leurs Plans Locaux d’Urbanisme afin d’y intégrer la loi. La ville de Palaiseau est signataire de la charte.
Le programme consiste en un diagnostic des types d’espaces sensibles et de leurs rôles. On y apprend ainsi que les terres agricoles du plateau ont un rendement bien supérieur à la moyenne européenne. Que les exploitations agricoles y sont dynamiques, tournées vers le local. Que le système hydraulique permet de maîtriser le ruissellement et le risque d’inondation en vallée. On y trouve aussi des fiches qui listent les actions vertueuses à mener. Charmé⋅e⋅s, on baisserait presque la garde. Alertes, des collectifs citoyens zyeutent* et rappellent que ce ne sont pas les hectares qui sauvent les espaces agricoles mais leur viabilité économique. La circulation des engins agricoles, la perte de foncier, estimée à 17 % en moyenne, rendent la pratique du métier difficile. En cause ? L’élargissement de la RD36, le TCSP(2) et autres axes routiers, les expropriations successives pour le cluster* qui morcellent les exploitations et obligent à des déplacements plus nombreux et plus compliqués. Ce ne sont pas non plus les hectares qui sauvegardent les espaces naturels, mais l’existence de conditions favorables au développement d’écosystèmes.
Hélas, les hectares ne protègent pas plus du grignotage. Sur le papier, c’est carré, y’a tous les outils. Sur le terrain, c’est tendu, malgré le dispositif légal. En 2016, l’association Terre et Cité a attaqué un arrêté préfectoral autorisant, en pleine ZPNAF, un bassin de rétention à Châteaufort au bénéfice du Golf National. Plus récemment, l’emprise du projet ligne 18 montre que la zone est bien mal blindée. En fait, le comité de pilotage de la ZPNAF est composé de représentant⋅e⋅s des préfectures, des agglomérations et conseils départementaux, de l’EPAPS(3), de la Société du Grand Paris, de la Chambre d’agriculture, des services de l’État. La société civile en est exclue alors qu’elle est à l’initiative de cette zone de protection. Pour que la loi soit respectée, il faudrait pourtant une vigie. L’État semble ne pas en avoir les moyens ou la volonté : le bétonnage va bon train, la spéculation est à ses trousses. La ZPNAF devient une Zone À Défendre (ZAD) où nous assistons à ce que l’histoire retiendra du cluster Paris-Saclay : un grand projet inutile imposé, un G.P.I.I.* pour les intimes.
S.B.
* Zieuter ou zyeuter : Verbe argotique. Loucher attentivement des deux zeuils.
* Clusteriser : Verbe intransigeant. Convertir des foules non consentantes à de Grands Projets Inutiles Imposés* désastreux pour la vie.
* GPII : Grand Projet Inutile Imposé, ça fait trois fois qu’on vous le dit.
(1) Et délimitée par le décret 2013-198
(2) Transport Collectif en Site Propre entre Massy-Palaiseau et Saclay
(3) Établissement Public d’Aménagement Paris-Saclay, chargé de mettre en œuvre et de coordonner les opérations d’aménagement du plateau sur le périmètre classé OIN (Opération d’Intérêt National)