Arbres fruitiers, potager, hôtel à insectes, écopâturage, composteurs pour récupérer les déchets organiques des foyers, récupérateurs d’eau de pluie, recyclage : vous êtes à la maternelle Joliot-Curie à Palaiseau ! Depuis plus d’une décennie, l’équipe pédagogique y mène un projet d’école fondé sur le développement durable. S’il est certain que le groupe scolaire Joliot-Curie nécessite une rénovation, le projet avancé par la municipalité suscite l’incompréhension des parents d’élèves et de l’équipe enseignante. Il pourrait leur faire perdre le label E3D (1) octroyé par le Ministère de l’Éducation nationale.
Le groupe scolaire Joliot Curie est composé de trois entités : une école primaire (300 élèves, 11 classes), une école maternelle (180 élèves, 6 classes) et un bâtiment de logements de fonction. En plus de la rénovation thermique et sonore de l’école élémentaire, il est prévu de démolir l’immeuble de logements et de regrouper maternelle et élémentaire dans un unique bâtiment (celui de l’actuelle primaire). C’est sur ce point que le projet présenté par la mairie inquiète et mobilise les parents d’élèves.
Un projet sans réelle concertation
En décembre 2022, l’équipe enseignante et les parents ont vent d’un projet quand des appels d’offres sont publiés. Les représentants des deux fédérations de parents d’élèves (FCPE et AAPE) demandent un rendez-vous estimant que « c’était un sujet de discussion légitime ». Fabrice G., représentant AAPE, témoigne « On voulait juste apporter des compétences, j’étais prêt à prendre une journée de congé ». En février, ils transmettent une analyse détaillée du projet au maire himself. En réponse, un courrier sans réponse sur les questions le fond. Fabrice G. ajoute « le projet manque de cohérence, on l’a fait remarquer, on nous claque la porte au nez ». Il en est de même pour ce qui est de la concertation avec l’équipe enseignante. « En réunion avec la municipalité, on discute de la couleur des sols, vous voyez ? Tout le reste est acté, dont le regroupement des écoles » lâche un membre de l’équipe éducative qui souhaite garder l’anonymat.
Pour les deux syndicats, « le projet manque de vision globale ». En effet, la rénovation concerne seulement le bâtiment des primaires. Celui occupé par la maternelle n’est pas concerné par la rénovation. Il devrait être occupé par les centres aérés (actuellement accueillis dans d’autres locaux). Il continuera donc à être chauffé pareil. Exit les économies d’énergie. Côté effectif, il y a moins d’enfants qui fréquentent le centre aéré que d’enfants scolarisés. Autre particularité de cette école, elle occupe un bâtiment Pailleron (2) qui nécessite des exercices d’évacuation réguliers. Habituées, les équipes en place en maîtrisent le protocole, ce qui n’est pas le cas des équipes du centre de loisirs. Et ce ne sont pas les seuls problèmes posés par le déménagement de la maternelle.
Un regroupement qui pose question
D’abord, au sujet de la surface disponible, Laetitia V., représentante FCPE s’interroge : « comment faire rentrer la bibliothèque, les six classes, la salle de motricité, la salle polyvalente, les deux dortoirs, la salle des profs, la cuisine, les bureaux de la directrice et des ATSEM et les sanitaires dans un espace plus petit ? Pour la mairie ce n’est pas un sujet, on nous répond que ça rentre au vu du nombre de mètres carrés réglementaires par enfant ».
Autre préoccupation, les rythmes scolaires qui sont « en conflit, par exemple quand les petits font la sieste, les primaires sont en récréation » nous explique un enseignant. L’équipe pédagogique s’exprime en connaissance de cause puisqu’une expérimentation similaire avait été menée il y a une quinzaine d’années. Selon nos sources, « ça a été l’horreur » et la maternelle avait finalement été rapatriée dans ses locaux.
Pour l’écologie, c ’est option facultative
Plus que tout, le déménagement de la maternelle mettrait à mal le projet pédagogique où le vivant est au centre des activités. Dans la configuration voulue par la mairie, il deviendrait compliqué voire impossible de profiter des espaces extérieurs. Imaginez un peu, préparer, en hiver, un groupe 25 enfants de 3 à 4 ans, ouvrir les portails, traverser la cour. « Ça deviendra une expédition, on passera plus de temps à se déplacer qu’à travailler sur le compost, le fait d’être proche de l’extérieur facilite de sortir à tout moment » explique l’enseignant. Du coup, sport de plein air, jardinage, cueillette ou observation du vivant ne seront plus quotidiennes mais à la marge. En compensation, la mairie propose des carrés potagers « mais c’est incomparable » déplore une parente d’élève.
Enfin, les parents craignent que l’accès à l’école devienne plus dangereux sur un axe très fréquenté aux horaires scolaires. À ce jour, la situation est déjà compliquée malgré les deux entrées séparées. Si les écoles sont regroupées, tous les élèves convergeront vers un point unique, sur des trottoirs étroits et peu adaptés.
Alors, pourquoi ce choix du regroupement des écoles ? Interrogée à ce sujet, l’élue en charge du dossier, Mme Graveleau, affirme que « il n’y a aucun projet de fusion en cours ». Communication pour apaiser les esprits ? Prise en compte des critiques émises ? En tout cas, « tous les parents s’opposent au déménagement » assurent les représentants des parents d’élèves qui continuent à s’organiser. La pétition, lancée en juin, a recueilli 200 signatures. Leurs revendications sont claires. D’abord, revenir sur le projet de fusion des écoles, engager des travaux d’isolation du bâtiment des maternelles et faire en sorte que l’école des petit.es puisse durablement se maintenir dans son écrin de calme et de verdure.
(1) E3D pour « écoles en démarche de développement durable ».
(2) Les bâtiments de type Pailleron, du nom du collège détruit par un incendie meurtrier (20 morts), sont des édifices construits dans les années 70 pour répondre, en un temps record, à la pénurie de collèges. Ces bâtiments à structure métallique sont considérés comme dangereux en raison de leur faible durée de résistance au feu.