Aujourd’hui, avec l’affaire Weinstein, #balancetonporc et #metoo, j’entends souvent cette question : « La femme se libère-t-elle enfin ? » La réponse est dans la question : non. On parle encore d’« une femme », celle de Nivea (celle qui passe toute sa journée en talons mais qui n’a jamais mal) et des autres publicités. On voit cette femme partout, et pourtant elle n’est nulle part. Elle n’existe pas. A-t-elle déjà existé ? J’en doute. Et pourtant, on retrouve cette interrogation dans beaucoup de médias, et les articles qui suivent sont souvent dénonciateurs. Paradoxe donc : en dénonçant le sexisme (dans le contenu de l’article), on l’applique en même temps (dans le titre, avec « la femme »).
Par contre, « les femmes » existent. Ces femmes vont d’Anaïs, 8 ans, fan d’espionnage, à moi, aka « Beyoncé », qui suis fan de High School Musical(1) (hello Troy), de Twilight(2) (oh hello, Edward) et qui écris un article sur le sexisme, à Mélanie, 23 ans, qui adore être en talons et en jupe, jusqu’à Sophie, ingénieure et mère de 3 enfants, qui s’en tape d’être en baskets ou non. Bref, les femmes c’est nous toutes, et j’aime croire que « The Future is Female(3) ».
Malheureusement, la tâche s’annonce complexe. Les viols, agressions, violences conjugales n’ont pas cessé. Si pour convaincre les plus abrutis (pardon hein, j’espère ne pas vous avoir froissé) l’argument sur l’écart de 28 % de salaire entre un homme et une femme n’est pas assez choc, alors sortons celui de la femme qui meurt sous les coups de son compagnon tous les trois jours. Cela ne passe plus. Nous devons agir. Aussi contradictoire que ça puisse paraître, messieurs, sachez que vous êtes également de la partie. Les chiffres, tout comme les mentalités, ne changent pas non plus : 85 % des dirigeants sont des hommes, 80 % des femmes sont toujours confrontées au sexisme au travail, selon la secrétaire d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Ce ne sont pas que des chiffres dans le vent, et on aurait tort de dire du sexisme qu’il n’arrive qu’aux autres ou qu’il est ailleurs. Le sexisme est aussi présent ici, dans notre ville Palaiseau chérie.
Après être allée voir le film « Coco », (où il s’agit d’un héros et non pas d’une héroïne by the way(4)), au Cinépal, avec ma famille, je remonte la rue de Paris. Mais hold on a second, regardons les films à l’affiche aujourd’hui et en général au cinéma : on retrouvera systématiquement un film minimum où la femme est dénudée, sexy et soit aguicheuse soit difficile à avoir (une vraie « chieuse » dans ce cas). Yes(5) les clichés !
Après je vais jusqu’au kiosque, en face de la boulangerie, sur la place de la Victoire. Je m’attarde, et là : grosse avalanche de sexisme, véhiculé par la presse féminine, en plus. Ces magazines, de par leurs couvertures et leurs articles, nous vendent la femme dont j’ai fait référence plus haut (allez-y, regardez). Cette femme qui n’existe pas, dans laquelle personne ne se reconnaît, mais à qui nous devons tout de même ressembler. Elle a des mensurations dites « de rêve », des cheveux soyeux (la plupart du temps lisses), un visage des plus harmonieux. Où sont celles aux cheveux gris, aux grosses joues ou au grand front, avec des cuisses et un petit ou un gros bidon ? Bref, où sommes-nous représentées ?
Puis je continue à me promener, et je passe devant la meilleure boutique du monde entier : la boutique du Petit ZPL – enfin, c’est ce que je pensais jusqu’à présent. Actually(6), les gars et les filles je dois vous dire que vous abusez grave (sorry not sorry(7)). Les mannequins ne sont que des mannequins femmes accompagnées évidemment des clichés habituels : tétons qui pointent et fesses apparentes. Et je ne parle même pas du Petit ZPL n°2, où assumer un encart sexiste ne le rend pas moins sexiste. Mais bon, vos dessinateurs sont en progrès, alors on garde espoir.
Maintenant, regardons les coiffeurs. Sans s’intéresser à leurs noms, mais juste à leurs vitrines pour l’instant. On repère des univers so pink, so girly(8) avec bigoudis et tout le tralala, quoi. En somme, tout ce qu’il faut pour que la nana (parce qu’on aura deviné qu’il s’agit d’un salon pour femmes) passe un bon moment cocooning(9) pendant qu’on prend soin d’elle, comme elle est supposée le faire pour bien se faire accepter dans la société. Puis, non loin de cette vitrine rose, un univers blanc, simpliste, plutôt moderne, où l’homme (parce qu’on aura deviné qu’il s’agit d’un salon pour hommes) passe juste un moment pour se faire couper les cheveux et ça s’arrête là. Pas de belles chaises, de beaux miroirs. Non, rien que le strict minimum. Maintenant, intéressons-nous aux noms des salons. Sur « Maman & Princesse » et « Papa & Fiston », on pourrait discuter des heures, alors je vais essayer de faire ça court. Avec « Princesse » et « Fiston » on voit bien que, dès l’enfance, la fille et le garçon sont différenciés. La fille est la princesse, habillée de rose, qui a besoin qu’un prince vienne la secourir ; le garçon est le prince, brave et courageux, qui reste aux côtés de son père, également brave et courageux. Dès le plus jeune âge, les femmes sont représentées comme fragiles, dociles, incapables de se défendre elles-mêmes, ayant besoin d’un homme pour survivre. Et ça, même à Palaiseau.
Simple question : pourquoi différencier les salons ? Pourquoi créer des salons pour hommes, et d’autres pour femmes ? La paire de ciseaux change-t-elle ? Certes je ne suis pas coiffeuse, mais je suis presque sûre que non. Dans ce cas-là, pouvez-vous me dire pourquoi est-ce que les femmes doivent payer systématiquement plus cher, ne serait-ce que pour un soin ?
J’avoue, j’aurais pu pousser les portes des deux salons et faire mine de faire la queue pour feuilleter les magazines et les comparer ; mais j’avoue, j’étais avec #QLF(10), et moi et mes cheveux crépus, on aurait fait tache. Mais pas la peine d’être un génie pour deviner que l’on retrouvera les magazines du kiosque chez « Maman & Princesse », et des magazines de foot/automobile chez « Papa & Fiston ». Re-Yes les clichés !
Donc sur une seule rue, aka(11) une des plus fréquentées de Palaiseau (si ce n’est la plus fréquentée), on a déjà une bonne grosse vague de sexisme. Il suffit seulement d’être un peu de plus attentifs.
Là, je n’ai fait qu’une rue, qu’un endroit de Zopal, mais si on regarde de manière plus générale, on peut aussi constater des choses plutôt fun(12).
N’avez-vous jamais remarqué que les noms des écoles sont quasiment tous à la gloire d’hommes, à l’exception de Caroline Aigle, Louise Michel et Camille Claudel ? César Franck, Joseph Bara, Frédéric Joliot-Curie, Paul Langevin, Charles Péguy, Henri Poincaré, Étienne Tailhan, Édouard Vaillant, Roger Ferdinand, Eugène Deloges, Jean Macé, Henri Wallon, n’est-ce pas, Docteur Morère ? Là encore, inconsciemment, les enfants intériorisent un monde où il n’y a presque que des hommes qui ont mérité de donner leurs noms à des écoles (et je ne parle même pas des rues).
Au niveau de la politique locale, je me marre toujours autant.
Pendant que Jean-Pierre Madika se charge de la sécurité, Catherine Vittecoq s’occupe de la petite enfance. Pendant que Marie-Christine Graveleau s’occupe du scolaire, de la jeunesse, de la famille et de l’enfance, Hervé Paillet gère les finances. Pendant que Régina Lahutte se charge des jeunes parents, Jean-Yves Sire s’occupe du sport… Chacun à sa place, en gros.
Sans compter que Palaiseau n’a jamais connu de mairE, (et par maire j’entends maire élue en tête de liste, d’où mon tchao à Claire Robillard). Et je douuute que ce soit parce qu’aucune femme n’en ait les compétences.
Combattre ces inégalités, ça se fait dès l’éducation. Éduquer sa fille à faire ce qu’elle aime, peu importe si c’est de la maçonnerie ou de la coiffure. Lui faire comprendre que personne n’a à lui dire « tu ne peux pas faire cela car tu es une fille ». Lui apprendre qu’être née fille est autant un privilège qu’être né garçon. C’est éduquer son fils de la même manière. Lui dire que la danse classique, c’est également pour lui. Lui faire comprendre que demander l’autorisation à une fille pour l’embrasser ne veut pas dire qu’elle est fragile, mais qu’au contraire, ça veut dire qu’on la respecte. C’est pouvoir offrir des dînettes à son fils et des jeux d’espionnage à sa fille.
Quant à moi, je continuerai de porter mon badge « Sexisme ? Pas notre genre ! », de faire des revues de presse sur le sexisme en histoire-géographie, et d’écrire des articles.
XOXO(13)
Lucie SBZ
(2) Twilight : classique des histoires romantiques. L’amour entre Edward – vampire – et Bella – humaine – est iconique, voire inconditionnel. Une vraie référence quoi. Avis perso : les livres sont teeeeeellement mieux que les films, rien à voir (de la part de quelqu’un qui a dû relire le premier tome cinq fois en une semaine).
(3) The future is female : expression féministe, en gros « le futur appartient aux femmes ». Les femmes sont l’avenir, l’avenir c’est les femmes. Bref, on adore on adhère !
(4) By the way : « d’ailleurs » ou « au fait ». Ça donne un petit côté franglais, parfait pour épater l’équipe du Petit ZPL. By the way, je ne fais pas que des soirées cocooning.
(5) Yes : « oui ». Mais fallait-il vraiment le préciser ?
(6) Actually : « en fait », mot à caser lorsqu’on veut faire croire qu’on est super calé niveau américain. Actually, on peut très bien dire « en fait ».
(7) Sorry not sorry : « déso mais pas déso ». À utiliser lorsqu’on veut se la péter, genre « Sorry not sorry » mais j’ai sorti un article dans le journal le plus en vogue de Palaiseau et pas toi.
(8) So pink, so girly : « très rose, très fi-fille »
(9) Cocooning : un moment cocooning est un moment détente, tranquille. Synonyme de chill. Twilight est parfait pour une soirée cocooning, et je m’y connais.
(10) #QLF : « que la famille ». Là, vous êtes sûr⋅e⋅s de passer pour quelqu’un⋅e de super djeun’s, trop stylé⋅e, dans l’ère du temps.
(11) AKA : « Also Known As », aussi connu sous le nom de. Précède un blaze, un surnom, etc.
(12) Fun : « rigolo », et j’ai justement pas de truc rigolo à rajouter ici. Quand Edward quitte Bella dans Twilight 2, c’est pas fun du tout.
(13) XOXO : « bisous bisous » en français, c’est en fait une référence pour les vrai⋅e⋅s, à la série Gossip Girl qui raconte la vie de l’Upper East Side (quartier riche ++++++ de New-York). Aussi un classique.
Exemple de la mort qui tue :
« By the way, j’adore regarder Twilight et High School Musical, aka les deux meilleurs films de tous les temps, dans lesquels, sorry not sorry, on voit trop que actually, the future is female, en plus je passe des moments super cocooning et super fun en la compagnie d’Edward et de Troy, c’est trop #QLF pour moi. Sur ce, XOXO. »