#12 – La Commune à Zopal

Rue de Paris 1933

150 ans de la Commune de Paris

Alors, ça y est, la Commune de Paris fête ses 150 ans. Depuis quelques semaines, de nombreux articles, numéros spéciaux, livres d’histoire, témoignages de communards, documentaires paraissent pour marquer le coup.
L’occasion de redécouvrir les valeurs promues par les communards, certaines ayant laissé leur marque sur nos institutions telles que la séparation de l’Église et de l’État, la laïcisation de l’école publique, l’accès à l’éducation pour tous, d’autres ayant été, malheureusement, plus estompées telles qu’une place bien plus forte des citoyens dans les décisions, le contrôle des élus ou l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Ces valeurs se traduisent dans les décrets proclamés, peu nombreux et souvent mal appliqués du fait de la courte période d’action. Dès le début de ces deux mois d’insurrection, l’abolition de la conscription militaire, la réquisition des logements vacants et un moratoire sur les loyers depuis le début de la guerre sont déclarés. (1)
Parmi les autres décisions du Conseil de la Commune, élu le 28 mars 1871 : les entreprises abandonnées par leurs patrons sont transformées en coopératives ouvrières, les chefs d’ateliers sont élus, les mandats des élus sont révocables, les retenues sur les salaires sont supprimées, la journée de 10h est mise en place dans certains ateliers, l’école est rendue gratuite et obligatoire pour les filles comme pour les garçons, la catégorie « illégitime » pour les enfants hors-mariages est supprimée, l’union libre est reconnue, l’égalité de salaire entre hommes et femmes est instaurée dans l’enseignement…
De manière plus puissante que lors de la révolution de 1848, les femmes prennent une place importante dans la vie politique, dans les comités de quartier (comme lors de la première commune de Paris de 1792) et s’organisent en se regroupant dans des groupes d’actions
(Union des Femmes, Comité des Femmes de la rue d’Arras,…). Elles participent également à la défense des barricades dans les combats contre les Versaillais. (1)
L’extrême violence de la répression qui mit un terme à l’insurrection (entre 7.000 et 20.000 morts durant la Semaine sanglante, plus de 4.500 déportés en Nouvelle-Calédonie, plus de 4.700 emprisonnés) marqua les esprits. S’en suivit une forte mobilisation des élus des différents mouvements socialistes pour une amnistie, obtenue en 1880. Depuis persiste un conflit mémoriel, la Commune étant souvent reprise par différents mouvements politiques, décrite comme violente et illégitime par ses détracteurs ou encore passée sous silence et amoindrie (en ce sens, les programmes scolaires fêteront bientôt leurs 150 ans d’histoire bâclée ou de survol sommaire sur la Commune). (2)

Cette courte période politique a laissé sa marque dans nos institutions, le nom de ses membres dans nos rues, son aura dans les luttes sociales, ses chants dans les manifs, et régulièrement des slogans lui rendent hommage sur nos murs.
Mais la « Commune de Paris », n’est pas exclusivement parisienne, l’insurrection a eu une résonance au niveau national et international. De nombreux communards sont des hommes et femmes volontaires étrangers souvent membres de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), révolutionnaires polonais, italiens, irlandais, russes, belges, ils sont membres de la Garde Nationale et participent activement à la vie politique et à la défense de la Commune. (3)
Au niveau national, c’est un élan de création de communes à travers le pays qui apparaît entre la chute du Second Empire en Septembre 1870 et la Semaine Sanglante qui clôture la Commune de Paris fin mai 1871. L’encyclopédie du mouvement ouvrier « Le Maitron » rassemble ces expériences révolutionnaires dans sa carte de la « France des Communes » (4) : Lyon, Marseille, Narbonne, Toulouse, Saint-Étienne, le Creusot, Limoges. Si chaque Commune a ses propres spécificités et aspirations, elles rassemblent les différents mouvements partisans d’une « République Sociale » (jacobins, socialistes, républicains, anarchistes, membres de l’AIT,…).
Les Communes interagissent entre elles par des délégués envoyés dans les autres communes et des déclarations de soutien. Les dossiers de la police retracent également de nombreux gestes et comité de soutien à la Commune du nord au sud de la France (le Havre, Rouen, Brest, Bordeaux, Grenoble,…). (4) D’autre part, à l’époque, 75 % des habitants de la capitale ne sont pas originaires de Paris, ils sont venus y chercher du travail. (5) Ils viennent de toutes les régions de France et sont rassemblés en périphérie du Paris Haussmannien, dans les quartiers du Nord, Est et Sud souvent dans des conditions difficiles.

1870-1871 à Palaiseau

Alors qu’en est-il de « la Commune » dans notre commune ? Difficile à dire, les sources sont rares et l’occupation par les troupes prussiennes depuis le 18 septembre 1870 a en grande partie coupé les contacts entre la banlieue et Paris assiégée. Palaiseau a été occupée de septembre 1870 à mars 1871, 35.000 soldats prussiens réclamant aux habitants de subvenir à leurs besoins et, à partir de février 1871, le paiement d’un impôt de guerre (de 10 millions de francs au total pour le département de Seine-et-Oise). (6)
L’occupation à Palaiseau ne fut pas aussi violente que le prétendent nombre de journaux de l’époque qui diffusent les rumeurs les plus sensationnelles. Ils annoncent parfois la mort du Docteur Morère, maire de Palaiseau, fusillé par les Prussiens après qu’il en eut tué plusieurs pour s’opposer aux réquisitions. (7) D’autre fois, ils annoncent que la moitié de la ville aurait été incendiée et le maire pendu. Ces rumeurs et peurs ressenties dans les journaux proviennent d’échos des intimidations, réquisitions et violences souvent bien réelles de l’armée
prussienne dans les territoires occupés. Une partie du conseil municipal de Palaiseau a probablement subi des intimidations pour les forcer à payer l’impôt de guerre 6 . Il n’est, en revanche, pas certain qu’ils furent emprisonnés ou que l’usine à gaz de Palaiseau fut réquisitionnée et « dévastée » comme l’écrit le Mot d’Ordre du 1 er mars 1871. Ce journal était publié par le communard Henri Rochefort (8) qui s’oppose au traité de paix avec les troupes prussiennes et espère toujours les repousser.
Début avril 1871, la cavalerie versaillaise commandée par le général du Barrail établit son quartier général (9) au château de Villebon pour préparer l’attaque des forts du sud de Paris occupés par les communards. D’autre part, les troupes prussiennes mènent une surveillance généralisée, craignant la présence de francs tireurs et une éventuelle levée en masse, elles voient en chaque citoyen un potentiel ennemi (10) . La proximité des Versaillais et la surveillance prussienne ne laisse que peu de place à des actes de soutien à la Commune à Palaiseau.

Les Communards de Palaiseau

S’il ne put y avoir d’expression collective de soutien ou de participation au soulèvement, les itinéraires et les opinions de certains Palaisiens ont été retracés dans les archives de police ou les archives des bagnes de Nouvelle-Calédonie. Parmi les ouvriers palaisiens partis chercher du travail à Paris et ayant participé à la Commune, on trouve François Neveu (plombier, né à Palaiseau en 1830), Louis Silly (tonnelier, né en 1848 à Palaiseau) et Adolphe Calbet (parqueteur, né en 1850 à Palaiseau).

François Neveu est sous-lieutenant au 243e bataillon de la Garde nationale, bataillon du XIVe arrondissement, dès le début du siège de Paris. Le 23 mai 1871, en pleine Semaine Sanglante, il arbore une écharpe rouge sur les barricades. Il est par la suite condamné à la déportation en mars 1872 par le 25 e Conseil de guerre rassemblé au Mont-Valérien. Sa peine est rapidement commuée en cinq ans de prison avec privation des droits civiques. Il obtint la remise du reste en mars 1874, mais la privation des droits civiques fut maintenue. (11)

Louis Silly a participé à la guerre de 1870 dans le 9 e bataillon de la garde mobile de la Seine. Démobilisé, il rejoindra les chasseurs fédérés en avril 1871. Il participe à plusieurs combats au sud de la capitale aux alentours du fort de Montrouge. Reculant devant l’avancée des troupes versaillaises, il est à Passy au début de la Semaine Sanglante avant d’être arrêté au Couvent de l’Assomption. Il est condamné en mai 1872 à 1 an d’emprisonnement et 5 ans de surveillance. (12)

Adolphe Calbet aura, pour sa part, un jugement moins conciliant et sera condamné en janvier 1872 à la déportation par le 14 e conseil de guerre siégeant à Saint-Cloud. (13)
Parti pour la Nouvelle-Calédonie à bord du bateau à vapeur « le Var » qui transporte, dans des cages à fond de cale, les 580 communards du 4 e Convoi de déportation en octobre 1872 , il arrive au terme d’un long voyage de cinq mois. Voyage impacté par de nombreuses maladies dont le scorbut qui touche une grande partie des détenus. (14) Il débarquera sur l’Île-des-Pins, île pénitentiaire où seront déportés plusieurs milliers de communards ainsi que d’Algériens ayant participé à l’insurrection de la Kabylie contre la colonisation française de mars-avril 1871.

Arrivée des Communards à l'Ile des Pins 1873
Arrivée des Communards à l’Ile des Pins 1873

Condamné avec un de ses camarades aux travaux forcés pour une tentative d’assassinat en 1875 sur un autre déporté qu’ils accusaient d’être un délateur, sa peine qui devait être commuée en 1879 ne lui rendra pas sa liberté. Son incarcération prendra fin en 1906 après 33 années de déportation. Son matricule pénitentiaire nous décrit un homme aux cheveux et à la barbe rouges et avec de nombreux tatouages sur les bras (bouquets de fleurs, buste de femme, chat et souris, pensée et femme, costume de bain,…). (15)

Enfin, le 23 avril, le Journal officiel de la République française dresse la liste de gardes nationaux insurgés arrêtés les derniers jours, parmi eux, un Palaisien : Louis-André Laville, maçon, né en 1815 à Palaiseau et résidant au 13 rue de Paris, arrêté le 19 avril. (16)
Louis-André Laville est un ancien ouvrier insurgé des journées de Juin 1848, insurrection ouvrière déclenchée par la fermeture des ateliers nationaux. Ateliers qui avaient été mis en place à la suite de la révolution de février 1848. Ils appartenaient à l’État et permettaient de fournir un emploi aux ouvriers les plus précaires. Il fut condamné pour son
implication dans la mort du Général Bréa qui menait la répression de l’insurrection. Ce dernier fut fusillé le 25 juin par les ouvriers insurgés alors qu’il s’avançait vers la barricade de la barrière d’Italie pour parlementer.

Arrêté le 29 juin 1848, Laville fut incarcéré dans une cage à fond de cale du ponton « La Didon » à Brest. Ce ponton est une des frégates transformées en prison pour pouvoir accueillir les 1.200 insurgés de 1848 envoyés à Brest avant une potentielle déportation en Algérie. Il reçu la grâce de l’empereur comme de nombreux insurgés de 1848 le 6 juin 1849. (17)
Après son arrestation le 19 avril 1871 par les Versaillais, on ne trouve plus de sources permettant de connaître son sort mais nous savons que les soldats insurgés faits prisonniers étaient souvent exécutés. D’autre part, nous ne trouvons pas trace de Louis-André Laville dans le recensement de la population de Palaiseau en 1876…

Après la répression, de nombreux communards ont réussi à fuir la France avant d’être arrêtés. C’est le cas d’André Alavoine, membre de l’AIT, du Comité Central de la Garde Nationale et sous directeur de l’Imprimerie Nationale sous la Commune, qui se réfugia en Suisse.

Andre Alavoine
Andre Alavoine

Il est délégué du 4 e arrondissement avec une vingtaine de délégués des autres arrondissements en février 1871 pour faire partie de la commission qui rédigera les statuts de la Fédération de la Garde Nationale. Il participe à l’organisation des élections du 26 mars, à la rédaction et à l’impression des affiches du Conseil de la Commune. Lors de la Semaine Sanglante, il contribue à sauver de l’incendie une partie des archives de Paris.
Condamné en 1873, par le 3e Conseil de Guerre siégeant à Versailles, à la déportation en enceinte fortifiée en Nouvelle-Calédonie, il se réfugie à Genève. Durant son exil, il poursuit son travail d’imprimeur pour plusieurs journaux de tendances socialistes ou libertaires. (18) Il revient après l’amnistie de 1880 à Paris où il continuera à imprimer des journaux socialistes tel Le Radical. Il déménagera à Palaiseau au début du XXe siècle où il meurt en 1909. (19)

George Sand et la Commune

En 1864, George Sand est venue s’installer avec son compagnon

George Sand par Félix Nadar 1864
George Sand par Félix Nadar 1864

Alexandre Manceau atteint de tuberculose à Palaiseau. Depuis, une rue et la médiathèque portent son nom dans la ville, un théâtre le nom d’une de ses pièces (La Mare au diable) et souvent l’histoire de Palaiseau promue par la ville ou le Palaiseau Mag’ étant celle des « grands hommes », George Sand est citée.
Militante pour les droits des femmes, pour l’union libre, contre les conservatismes de la société de son époque, républicaine et socialiste engagée lors de la révolution de 1848, elle s’opposa néanmoins avec force à la Commune. Elle reproche notamment à la Commune de s’opposer à la toute récente république tant attendue sous l’Empire au lieu de la consolider. Déçue de la majorité monarchiste et conservatrice du gouvernement de février 1871, qu’elle qualifie de « réactionnaire et bête », elle voit cependant dans les événements de la Commune le retour de la « Terreur » de 1793. Dès son commencement et jusqu’à la fin de la Semaine Sanglante, elle tiendra des positions tranchées dans son Agenda ou ses lettres. « Ânes grossièrement bêtes », « coquins de bas étage », « foule […] en partie dupe et folle, en partie ignoble et malfaisante », « émeute de fous et d’imbéciles », « bandits », « ignobles » : les mots qu’elle emploi à l’égard des communards sont rudes. Cette hostilité sans nuance s’explique en partie par la presse versaillaise qu’elle suit au jour le jour et qui reprend les thèmes de la propagande du gouvernement et colporte parfois des mensonges et des exagérations. Citons notamment l’exécution des deux généraux du 18 mars, l’empoisonnement des soldats par les femmes favorables à l’insurrection, les incendies allumés par les « pétroleuses », l’assassinat des otages. Le 19 mai, lorsqu’elle apprend la démolition de la Colonne Vendôme (symbole du despotisme de l’Empire et de la guerre entre les peuples selon les communards), elle écrit :
« On ne comprend pas que l’armée n’en finisse pas avec cette orgie ». Enfin, lorsque, le 27 mai, Victor Hugo propose aux vaincus de la Commune l’asile de sa demeure à Bruxelles, elle réagira avec une certaine véhémence : « Hugo est tout à fait toqué. Il publie des choses insensées. ». (20)
Lors des quelques années où elle habita Palaiseau, elle reçut chez elle de nombreuses personnalités avec qui elle entretenait des relations épistolaires, notamment Napoléon III qui lui rendit visite en juin 1865. (21)
Elle quittera la ville en 1869 après le décès d’Alexandre Manceau, enterré en septembre 1865 dans le cimetière de l’Église St-Martin, en présence de George Sand, Alexandre Dumas (fils) ainsi que du photographe et ami des communards Félix Nadar. (22)

Mémoire et commémorations locales

Nombreuses sont les commémorations de « la révolution du 18 mars », de la Commune ou de la Semaine Sanglante dans l’histoire du mouvement ouvrier de Palaiseau depuis 1871.
Chaque année depuis 1892, il existe la traditionnelle montée au mur des fédérés, mur du Cimetière du Père Lachaise où furent fusillés 147 combattants de la Commune au cours de la Semaine Sanglante (un premier rassemblement avait été organisé en 1880 par d’anciens communards mais il ne devint annuel qu’en 1892). (23)
Mais les différents groupes socialistes, communistes ou anarchistes de Palaiseau organisent également des commémorations dans la ville. Le mouvement ouvrier local, par un internationalisme qu’on retrouve tout au long du XXe siècle, profite souvent de ces commémorations pour réagir à l’actualité et apporter son soutien à des peuples en lutte.
Dès 1895, un banquet pour commémorer la révolution du 18 mars 1871 est donné à Palaiseau. (24)
En 1896, une conférence publique est organisé au 148 rue de Paris « à l’occasion de l’anniversaire du 18 mars 1871 » par l’Union socialiste du canton de Palaiseau avec la présence de Paul Brousse, conseiller municipal de Paris et figure importante du socialisme français. (25)
En 1903, c’est la Société de la Libre Pensée de Palaiseau (créée en 1883) qui organise dans une salle à Orsay une conférence publique en présence de deux conseillers municipaux socialistes de Paris et d’Ernest Navarre, ancien membre du comité central de la Commune. (26)
Le 21 mars 1920, le syndicat du bâtiment et le groupe socialiste de Palaiseau organisent une manifestation pour l’anniversaire de la Commune à travers la ville. A la commémoration s’ajoute la revendication de la journée de 8h et l’opposition à la violente répression, en partie menée par l’armée française, de la République des Conseils de Hongrie tombée en août 1919. (27)
En 1934, le groupe communiste de Palaiseau déplace sa réunion pour se rendre au Mur des fédérés. (28)
Un an plus tard, en 1935, l’heure est au rapprochement des partis de gauche dans un front uni contre « le danger fasciste » (depuis la manifestation des Ligues du 6 février 1934),
qui donnera le Front Populaire en 1936. A lieu à Palaiseau le 17 mars une exposition-conférence sur la Commune de Paris organisée par la section socialiste de Palaiseau. L’événement est placé « sous la présidence d’honneur » de deux élus socialistes des Asturies condamnés à mort pour avoir participé aux grèves d’octobre 1934 réprimées par les troupes de Franco. De nombreuses « photographies, gravures, journaux, lettres et autographes » sont exposés à l’Hôtel des Nations (Ancien restaurant et auberge situé en face du Tribunal d’Instance, place de la Victoire aujourd’hui). Amédée Dunois, journaliste de l’Humanité et membre de la SFIO est présent et y donne une conférence. Deux cents personnes assisteront à cette commémoration. (29)

Parmi les organisateurs de cette journée, il y a Paul Delesalle, ancien

Paul Delesalle
Paul Delesalle

secrétaire de la CGT et des Bourses du Travail. Il est l’un des rédacteurs de la Charte d’Amiens de 1906, texte de référence du syndicalisme en France. Il a écrit des brochures et des ouvrages sur la Commune de Paris et édite avec sa librairie militante des témoignages de communards comme l’histoire de Victorine Brocher en 1909. A Palaiseau, il s’est impliqué dans les mobilisations locales de 1932 à sa mort en 1948. (30)
En 1971, pour le centenaire de 1871, la MJC de Palaiseau organisa un événement sur le thème de la Commune. (31)

Aujourd’hui, dans la ville, il reste des traces des acteurs de cette époque. La rue Élisée Reclus près du cimetière rend hommage à ce géographe

Élisée Reclus par Felix Nadar
Élisée Reclus par Felix Nadar

anarchiste, membre de l’AIT et proche de Bakounine qui participa à la Commune en tant que membre du 119 e bataillon de la Garde Nationale et de la compagnie des aérostiers dirigé par Félix Nadar. Il sera  condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie mais sa renommée scientifique et une pétition de soutien de nombreuses personnalités, dont Charles Darwin, feront commuer sa peine en 10 années de bannissement en 1872. (32)
Au même titre que de nombreuses villes, Palaiseau a une école au nom de Louise Michel, institutrice anarchiste et militante pour les droits des femmes, devenue une des grandes figures de la Commune. Durant l’insurrection, elle participe à plusieurs comités tel que le Comité de vigilance de Montmartre ou le Club de la Révolution. Elle est aussi  ambulancière et combattante au sein du 61 e bataillon de la Garde Nationale de Montmartre. Elle s’investit aussi beaucoup en tant qu’institutrice pour permettre l’accès de tous à l’école. Condamnée à la déportation en enceinte fortifiée en Nouvelle-Calédonie, elle y restera 7 années avant d’obtenir une remise de peine en 1879. (33)
Et aussi étonnant que cela aurait pu paraître pour les hommes de l’époque, la proximité géographique des écoles Jules Ferry et Edouard Vaillant a donné naissance à un groupe scolaire « Ferry-Vaillant » à Palaiseau.
Jules Ferry est un opposant républicain sous le Second Empire. Il est maire de Paris en 1870 lors du siège où le rationnement qu’il met en place lui vaut la détestation de la population. Évincé par la Commune, il s’y oppose farouchement, incite le gouvernement à une répression violente. Il est connu pour avoir mis en place les Lois Ferry en 1881 et 1882 lorsqu’il était ministre de l’Instruction publique. Ces lois mettant en place l’éducation obligatoire, gratuite et laïque, 10 années après la Commune. Promouvant les idées racistes avec une supériorité de l’homme blanc, il est partisan de la colonisation avec l’argument d’apporter la modernité et la civilisation aux populations locales. (34)
Edouard Vaillant, quant à lui, est élu dans le Comité Central de la

Edouard Vaillant
Edouard Vaillant

Commune, délégué à l’Instruction publique. Il met en place l’enseignement laïc et gratuit pour tous, développe l’enseignement professionnel, instaure l’égalité de salaires entre instituteurs et institutrices et s’attache à faire progresser l’accès à l’école pour les filles. (35) Partisan d’une république sociale et un des principaux opposants à la colonisation de l’époque, (36) il s’oppose aux conquêtes françaises au Tonkin ou au Maroc. (37)
Beaucoup d’aspects séparent les deux hommes, même si tous deux furent chargés de l’Instruction publique et développèrent l’éducation obligatoire, gratuite et laïque.

1871-2021 La Commune refleurira

La Commune est revenue dans les esprits à travers les mobilisations des dernières années qui revendiquaient une démocratie avec un pouvoir important donné aux citoyens souvent avec une organisation en assemblées locales. A l’international, avec Occupy Wall Street ou à travers la pensée communaliste de Murray Bookchin et la révolution au Rojava.
Au niveau national, dans les ZADs, lors de la lutte contre la Loi Travail à travers Nuit Debout ou, plus récemment, lors du soulèvement des gilets jaunes. La répression fut brutale pour chacun de ces mouvements.
Emile Pouget, anarcho-syndicaliste, secrétaire de la CGT au début du XXe siècle et qui habita ses quinze dernières années rue Charles Gounod à Lozère écrivait en 1890, dans son journal Le Père Peinard, un article anticolonialiste intitulé « Barbarie française ».
Il clôture cet article fort bien écrit par ces quelques mots qui résonnent encore aujourd’hui après toute la violence à laquelle sont confrontés les militants ces dernières années :
« Qui êtes-vous, d’où venez-vous, sales bonhommes, vous n’êtes pas nés d’hier ? Je vous ai vus, il y a dix-huit ans, votre gueule n’a pas changé : vous êtes restés Versaillais ! […] Ah, vous n’avez pas changé ? Nous non plus : Versaillais vous êtes, Communeux nous restons ! ». (37)

De nombreux syndicats, partis politiques et associations de gauche appellent pour la commémoration des 150 ans à une grande manifestation le samedi 29 mai à 14h à République.
Pour cette date rappelant la fin de la Semaine Sanglante, le cortège se rendra au Mur des fédérés au Père-Lachaise, afin de rendre hommage aux communards, rappeler que la Commune n’est pas morte, que ses espoirs sont toujours d’actualités, la lutte continue…

A. P.

Sources :

1 – Marc Lagana, « Un peuple révolutionnaire : la Commune de Paris 1871 », Cairn Info, 2018
[en ligne].
2 – Georges Beisson, « La présentation de la Commune dans les manuels scolaires », Les
Amis de la Commune, www.commune1871.org
3 – Quentin Deluermoz, Commune(s), 1870-1871: Une traversée des mondes au XIXe siècle,
Editions du Seuil, 2020, 448 pages.
4 – LE MAITRON, Communes et soutiens hors de Paris, https://maitron.fr/spip.php?
article236699
5 – « Paris, théâtre de la Commune », L’Histoire Hors-Série n°90, janvier-mars 2021, p.6.
6 – Olivier Berger, « Résister sans violence à l’occupant allemand », Revue historique des
armées [En ligne].
7 – Journal La Petite Presse, n°1625, 30 Septembre 1870, consulté sur gallica.bnf.fr.
8 – Journal Le Mot d’ordre, n°27, 01 mars 1871, consulté sur retronews.fr
9 – Journal Courrier de la Gironde du 24 avril 1871, consulté sur retronews.fr
10 – Olivier Berger, « Comment écrire l’histoire de la violence de guerre allemande pendant la
guerre de 1870-1871 » dans Marie-Claude Marandet (dir.), Violence(s) de la préhistoire à nos
jours, Presses universitaires de Perpignan, « Etudes », 2011, 381 pages, p255-272.
11 – Notice de François Neveu, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article67075
12 – Notice de Louis Silly, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article71029
13 – Notice d’Adolphe Calbet, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article54454
14 – Article sur le Var, Bernard Guinard, https://www.bernard-guinard.com/arcticles
%20divers/Convois%20de%20deportes/Var/le_Var.html
15 – Dossier individuel de bagne d’Adolphe Calbet, Archives nationales d’outre mer (Anom),
Cote de référence: FR ANOM COL H 1276, consultable en ligne :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/
16 – Journal Officiel de la République Française du 23 avril 1871, consulté sur retronews.fr
17 – Notice de Louis-André Laville, Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Inculpés de l’insurrection
de Juin 1848, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en
ligne le 11 juin 2012, inculpes-juin-1848.fr/index.php?
page=fiches/notice&individu=18478&liste=recherche_nom_Laville
18 – Jean Maitron, Maria Enckell, Notice d’André Alvoine, Le Maitron,
https://maitron.fr/spip.php?article156138
19 – Journal L’Aurore du 4 avril 1909, consulté sur gallica.bnf.fr
20 – Géraldi Leroy, « Une « chimérique insurrection » : la Commune de Paris dans les
Agendas et la Correspondance de Georges Sand » dans Noëlle Dauphin (dir.), George Sand,
Terroir et histoire, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2006, 304 pages, p.263-273.
21 – Georges Lubin, « George Sand et les Bonaparte », janvier 1980, napoléon.org
22 – Journal La Semaine des familles, 9 septembre 1865, consulté sur gallica.bnf.fr
23 – Franck Frégosi, « La «montée» au Mur des Fédérés du Père-Lachaise », Archives de
sciences sociales des religions, mis en ligne le 10 novembre 2011,
http://journals.openedition.org/assr/23359
24 – Journal L’Echo Rochelais du 20 mars 1895, consulté sur retronews.fr
25 – Journal La Petite République du 15 mars 1896, consulté sur retronews.fr
26 – Journal La Petite République du 31 août 1903, consulté sur retronews.fr
27 – Journal L’Humanité du 21 mars 1920, consulté sur retronews.fr
28 – Journal L’Humanité du 24 mai 1934, consulté sur retronews.fr
29 – Journal Le Populaire du 12 et du 26 mars 1935, consulté sur gallica.bnf.fr
30 – Colette Chambelland, Notice de Paul Delesalle, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?
article156361
31 – Marcel Cerf et Jacques Zwirn, Le centenaire de la Commune en France (1872-1971),
1989, p.104
32 – Notice d’Elisée Reclus, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article2435633 – Véronique Fau-Vincenti,
Notice de Louise Michel, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article24872
34 – Alban Dignat, « Jules Ferry (1832-1893), Apôtre de la République laïque et universelle »,
herodote.net.
35 – Justinien Raymond, Notice d’Edouard Vaillant, Le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?
article24386
36 – Jean-Numa Ducange, La gauche et la question coloniale, Le Monde Diplomatique, avril
2021, page 27.
37 – Jonathan Barbier, « Gilles Candar, Édouard Vaillant. L’invention de la gauche », Cahiers
d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], http://journals.openedition.org/chrhc/11241

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