#6 – Révision du PLU : L’occasion de calmer le terrain

P.L.U.
Quoi qu’en disent les mauvaises langues, Palaiseau est bel et bien agitée et les Zopalien⋅ne⋅s terrorisé⋅e⋅s, en proie à l’assaut d’une armada en furie d’expert⋅e⋅s en sabotage. Peu assouvis par la stérilisation de 217 hectares de terres fertiles sur la ZAC Polytechnique, les ogre⋅sse⋅s de la spéculation immobilière rôdent à l’affût du moindre lopin et avancent furieusement, ravageant tout sur leur passage. Mais gardez espoir Zopalien⋅ne⋅s : vous pourriez faire de la révision du PLU, engagée par la municipalité, une arme pour gagner du terrain vers une ville urbanistiquement très très vivable. Voyez plutôt.

P.L.U., Révision et Enquête Publique

P.L.U. signifie Plan Local d’Urbanisme. C’est un document dans lequel une municipalité explique comment elle entend encadrer le développement de la ville en terme d’urbanisme sur une vingtaine d’années. Le P.L.U. en vigueur à Palaiseau date de 2006. Pourquoi donc le réviser alors qu’il est si récent ? C’est une volonté de l’actuelle municipalité qui y voit l’occasion de l’« adapter aux nouveaux objectifs municipaux » et d’intégrer de nouvelles obligations législatives(1). À Palaiseau c’est, dans le contexte actuel de bétonnage massif, une occasion unique pour les habitants d’exprimer leur vision de la ville pour les vingt prochaines années. Une enquête publique va bientôt être lancée et n’attend que vos précieuses contributions. L’idée est grisante, mais d’emblée vous vous dites qu’en ce qui concerne l’urbanisme et sa législation vous n’êtes pas expert⋅e, et qu’honnêtement vous n’y connaissez que tchi. Allez courage, je vais essayer de vous donner les billes pour y voir un peu plus clair.

Quand une ville veut réviser son P.L.U., elle doit d’abord se munir d’un Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD). Suite à un diagnostic commandé par la ville de Palaiseau au cabinet Espace ville, trois axes ont été retenus : préserver l’identité des quartiers et le cadre de vie de Palaiseau, s’inscrire dans un urbanisme durable, affirmer l’attractivité du territoire. Le P.L.U. explicite en détails, sous forme de règlement, la manière dont la municipalité souhaite encadrer tout ce qui concerne l’aspect général de la ville, dans le respect de ces axes(2). Ça comprend à la fois des trucs super techniques genre le nombre de mètres de retrait par rapport à la rue mais aussi des aspects plus généraux comme la hauteur des nouvelles constructions, le nombre de logement et tout ça quartier par quartier. Ce qui signifie que le territoire est divisé en différentes zones selon leur vocation, ayant chacune un règlement propre (dans le respect du PADD, bien entendu).

Des zones partout

Une carte de zonage a donc été établie toujours par le même cabinet et les zones se sont vues affublées de petits noms énigmatiques pour vous en faciliter la lecture. Jugez-en plutôt : les plus importantes, UR1 (résidentielle), UR2 (pavillonnaire sur coteaux), la plus facile à retenir N (naturelle), la plus imbue d’elle-même UX (Polytechnique), celle en voie de disparition A (agricole), l’hermétique UAE 1, 2 et 3 (activité économique), UL le parent pauvre (loisirs/sport), le « pas sûr qu’il existe » 1AUR (accueil gens du voyage) et les « là c’est sûr on y va » UP (urbaine en projet), etc. Je disais donc que chaque zone avait un règlement propre sur ce qu’on peut y faire ou pas. En zone N, c’est inconstructible par exemple.

Pour vous mâcher un peu le travail, c’est aux zones « en projet » qu’il faut prêter attention. Les zones pavillonnaire et résidentielle (UR 1 et 2), elles, sont plutôt bien protégées de l’urbanisation. En effet, sur ces zones, le règlement du P.L.U. est très restrictif et utilise certains leviers. Comme, par exemple, imposer un certain périmètre de jardin, un gabarit de construction, etc. Ce qui y limite le nombre de nouveaux logements à 10-15 par an.

La zone partout

Concentrons-nous sur les UP. Sur ces zones « urbaines en projet », y’a ce qui s’nomme des OAP : Opérations d’Aménagement et de Programmation. Une OAP présente la manière dont la municipalité souhaite réhabiliter, restructurer ou aménager des quartiers ou secteurs de son territoire. Dans ce projet de P.L.U., il y a cinq OAP. Elles concernent le secteur Tronchet en plein centre-ville sur le site même du légendaire foyer Douillette et son chouette jardin, l’îlot Ferrié-Paveurs de Montrouge en haut de la rue de Paris, au niveau de la gare, le Plateau (quartier Camille Claudel) et enfin le marché et la maison de quartier du Pileu. Une OAP peut également être adoptée sur l’ensemble du territoire autour d’une problématique donnée. En l’occurrence une OAP « Mobilités et circulations douces » figure au programme du nouveau P.L.U. Sur les cinq, deux en sont à un stade avancé et des projets concrets sont présentés.

Des zones pour tous ?

Sur Tronchet et Ferrié, très peu d’équipements et de parcs publics sont prévus, au mieux c’est du mini jardinet privatif. Le programme c’est essentiellement du logement, la question c’est pour qui ? En gros, quel genre de population cherche-t-on à attirer ? La mixité sociale, quoi ! De prime abord, la municipalité aborde la question, pourcentage en main : on est bien doté, nous. Merci aux cocos des années 60 à début 90, on affiche fièrement 36,72 % de logements sociaux. L’obligation pour une ville comme la nôtre, c’est 20 %, donc, on est bien là. En plus, sur la nouvelle ZAC Polytechnique, il est prévu 20 % de logements sociaux. Donc ? Ben, y’a « pas lieu de prévoir d’outils spécifiques en la matière dans le dispositif réglementaire pour le reste du territoire »(3). En gros, ça veut dire que y’a suffisamment de social en centre-ville et sur le Plateau, on n’a qu’à faire de l’accession à la propriété et bienvenue aux promoteurs. Pas d’ambiguïté : un bon coup d’pouce à la gentrification, ou embourgeoisement urbain, phénomène grâce auquel on transforme efficacement le profil social d’un quartier, d’une ville. Et nouveau type d’habitant s’accorde bien avec nouvel électorat, n’est-il pas ?

À cela s’ajoute une supercherie dans la production de chiffres : les étudiants. En effet, le logement étudiant est une bulle spéculative très en vogue ces derniers temps, cela n’a rien à voir avec du logement type résidence universitaire, vu que c’est du logement étudiant privé. Pourtant, ça compte comme logement social et ça fleurit à Palaiseau. Ce qui permet par exemple d’annoncer 33 % de social sur Ferrié. Sans l’étudiant et le retraité (une maison de retraite est prévue), ça nous ramènerait à 23 % (dixit le maire). Sans compter le fait que sur notre territoire, la grande majorité des étudiants fréquentent des grandes écoles. Statistiquement parlant, pas besoin de vous faire un dessin, ils ne sont globalement pas issus des classes populaires.

Pour ce qui est de l’accueil des Gens du voyage, la zone 1AUR est prévue pour recevoir des équipements pour gens du voyage, mais « sédentarisés »(4), si, si. C’est chouette cette approche du vivre ensemble. Visualisez la carte de Palaiseau et ses nouvelles constructions : rien que sur les deux projets en centre-ville, on parle de 500 logements avec une grande majorité en accession, sans blague ! Et sur le reste de la commune, aucune obligation ou même incitation de principe à s’ouvrir à la mixité sociale. Donc voyez, de mixité sociale, vous pourriez lui en causer au commissaire enquêteur dans son registre disponible en mairie.

Toujours plus haut, toujours moins beau ?

Autre bizarrerie sur ces deux opérations de Tronchet et Ferrié, la municipalité est propriétaire des lots. Elle a donc décidé, sous prétexte de « maîtrise communale », de déroger à la règle du R+3 (rez-de-chaussée plus 3 étages, environ 10 mètres de hauteur). Sur ces deux projets, il est inscrit au P.L.U. la possibilité de construire à R+5. Ce qui revient à des bâtiments de 18 mètres de hauteur en plein centre-ville, voire 20 % de plus sous certaines conditions(5). Une fois cela inscrit dans le P.L.U., les promoteurs sauront très certainement en tirer profit. En plus, cela crée un précédent. Le loup dans la bergerie ! De beauté, c’est de ça qu’il faudrait aussi parler…

Une zone inconstructible menacée

Encore un enjeu de grande importance à mes yeux : le quartier Camille Claudel, qui fait lui aussi l’objet d’une OAP. Là, il s’agit de bétonnage pur et dur, pas de densification. Le projet c’est de construire entre 200 à 250 autres logements, et ce sans volonté de construire du social, faut-il le repréciser ? Ce secteur, déclassé N pour l’occasion, s’appelle la Croix de Villebois et représente 32,5 hectares. J’ai tenté de le localiser et disons que ça concerne les quelques champs en face de la piscine La Vague jusqu’à Polytechnique.

Là aussi, y’a une belle carte à jouer. C’est que monsieur le maire conditionne l’ouverture de ce « … potentiel » à l’obtention d’une seconde gare sur la ligne 18. Son discours est clair : le secteur de la Croix de Villebois ne sera ouvert à l’urbanisation qu’à condition que l’État prévoie une seconde gare sur le tracé de la ligne de métro. Dans le P.L.U. révisé, vous pourrez lire cette phrase X fois. C’est un sujet brûlant sur lequel il communique beaucoup n’hésitant pas à s’improviser meneur de manif (voir les Brèves).

En gros, pas de gare pas de nouveaux bâtiments ! Il le dit et le répète à qui veut l’entendre. Toutefois, la récente décision du gouvernement contrarie les ambitions de notre maire. En effet, dans le contexte de l’abandon de la candidature de la France pour l’organisation de l’Exposition Universelle, il n’y a plus d’urgence à entreprendre la ligne 18. Restons vigilants (le projet n’est que retardé) et force de proposition.

Pourtant, dans les trois axes du PADD, rappelez-vous le plan de développement durable, deux concernent la qualité de vie et le maintien d’une ville verte. L’axe II, en particulier, s’épanche sur comment on va faire de la ville verte, protéger les espaces naturels et sensibles, favoriser la biodiversité, limiter la perméabilité des sols, rendre possible une agriculture périurbaine et biologique. Dans l’OAP même, il est écrit noir sur blanc qu’en construisant des logements on va « valoriser les terrains agricoles du Plateau ». Je vous juuuure ! En ce qui me concerne, je regrette l’orientation globale de cette OAP Plateau. Ce qu’il faut défendre à mon avis, c’est une OAP Plateau qui interdit toute construction sur ce secteur de la Croix de Villebois. Voire même, aller au-delà et innover en défendant le principe d’une OAP Protection des espaces naturels, sensibles et agricoles sur tout le territoire de la commune. Donc, là, vous avez un angle d’attaque de plus pour la consultation.

Consultation et règles de l’art

Vous êtes certainement dans le même cas de figure que mon amie Mathilde. Vous avez bien vu, aperçu ça ou là dans le Palaiseau Mag’, des annonces qui parlent du plu (prononcez-le en une seule syllabe) mais, comme plu ça fait pas trop bon temps, vous vous en êtes illico désintéressé⋅e⋅s. En fait, quand une mairie révise son P.L.U. – c’est bien, maintenant vous épelez – elle a l’obligation d’organiser une consultation. L’idée est d’associer les habitant⋅e⋅s à l’élaboration du P.L.U. Il est d’ailleurs fortement recommandé d’y associer un public diversifié et représentatif. À Palaiseau, la municipalité a mis le paquet sur la consultation, ce dont vous aviez vaguement eu vent dans le journal municipal. C’est du propre, fait dans les règles de l’art. R.A.S. Y’a même un site internet, avec tous les documents relatifs à la question. Tout ce que j’vous ai raconté c’est de là que ça vient (http://www.plu-palaiseau.fr).

Trop peu de personnes s’y sont intéressées. La faute au langage abscons utilisé qui décourage d’emblée d’importantes franges de la population(6). La faute à la manière dont la consultation a été conçue (réunions, ateliers) qui n’a certainement pas été des plus innovantes. Autrement ça aurait peut-être suscité plus d’intérêt. Et même ceux qu’ont tenté ont eu du mal. Au cours de réunions publiques, certain⋅e⋅s se sont plaints du caractère illisible des cartes mises à disposition. Des élu⋅e⋅s de l’opposition ont régulièrement manifesté leur regret des conditions dans lesquelles ils ont dû travailler sur ce dossier : documents longs (jusqu’à plus de 300 pages) remis au dernier moment, absence de débat contradictoire. Par ailleurs, certaines des remarques issues de ces ateliers « citoyens » ont été prises en compte, en particulier pour ce qui est des circulations douces mais pas au sujet du logement par exemple, ou de la préservation des espaces encore naturels.

Zone d’arrivée, dernière ligne droite

Bref, après deux années de consultation, nous en voici à l’ultime phase : l’enquête publique. Un commissaire enquêteur est nommé. N’étant pas partie prenante, il porte un regard objectif et remet un rapport où il note ses conclusions. Un registre sera disponible en mairie (et en ligne) pendant deux mois entre mars et avril 2018.

Le P.L.U., franchement, ça vaut le coup de s’y pencher et de donner son avis. D’autres points mériteraient qu’on s’y attarde tout autant. La ZAC Polytechnique, par exemple, en est totalement absente alors qu’elle occupe 217 hectares de la commune, parce que c’est soi-disant l’État qui décide tout seul sur ce secteur classé OIN (opération d’intérêt national). Ou alors, s’intéresser à la contradiction entre l’OAP « Mobilités » et l’importance donnée au stationnement. La disparition du règlement sur la protection des arbres dans certaines zones plutôt boisées de la ville. Rappeler que les terrains réservés à cette satanée ligne 18 sont en fait classés EBC (espaces boisés classés). Ou s’interroger sur la nouvelle zone UX2AGP créée sans règlement sur un espace naturel. Et la Batterie de la Pointe ? S’indigner sur le fait que sur 900 nouveaux logements, une partie invisible sera réservée à du « social »(7). Pas d’inquiétude, je suis persuadée que vous trouverez bien un truc qui vous passionne dans le P.L.U. Mais, n’oubliez surtout pas d’aller consigner tout ça où vous savez.

Sabrina Belbachir

(1) Lois ALLUR, Grenelle II notamment

(2) et d’un tas d’autres documents dits supra communaux

(3) Document justification des choix, p.142, http://www.plu-palaiseau.fr/assets/2.2-justification-des-choix-retenus.pdf

(4) Idem, p.69

(5) Règlement, p.60 http://www.plu-palaiseau.fr/assets/6.-r%c3%a4glement.pdf

(6) Selon un bilan d’expérience, les jeunes et les locataires sont deux publics difficiles à mobiliser bien que fortement concernés.

(7) Inventaire non-exhaustif, inspirée d’une intervention de PTC à un conseil municipal, http://ptc.odass.org/2017/11/02/conseil-municipal-du-16-octobre-2017-vote-du-plu-intervention-detaillee/

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