Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis algérien originaire de Tizi Ouzou en Kabylie, je vais bientôt avoir trente ans. Cela fait maintenant presque 3 ans que je suis en France. Je suis venu à la mort de mon père rejoindre ma sœur unique et mes oncles et cousins qui sont installés en France et ont la nationalité française. Ma mère est morte depuis plus de vingt ans. Je n’ai plus personne au bled.
Comment vous êtes-vous retrouvé en centre de rétention à Palaiseau ?
Je ne vis pas à Palaiseau. J’ai été dans cette ville seulement 45 jours, enfermé dans le Centre de Rétention en 2016. La SNCF m’a arrêté dans les transports à Juvisy-sur-Orge pour un contrôle. Ils ont vu que je n’avais pas de papiers, ils ont alors appelé la Police, qui m’a emmené en garde à vue de façon assez agressive, puis au CRA de Palaiseau.
Comment s’est passée votre rétention ?
Les policiers sont des racistes… enfin pas tous, certains étaient gentils. Mais je me suis fait insulter par un flic, notamment parce que j’étais algérien. Je ne mangeais pas, tous les jours c’était la même chose, du poisson. Mais à part le policier qui me manquait de respect, ça allait. Je n’ai jamais eu de problèmes avec les autres retenus, ni personne.
Vous receviez des visites ?
Oui. Ma sœur est venue deux fois me voir. Et les gens de l’Observatoire aussi, ils m’amenaient des cigarettes, du coca, des gâteaux et des recharges téléphoniques et nous parlions…
Comment se passait une journée au CRA ?
Je ne faisais rien, je dormais c’est tout. Je me couchais à minuit, je me réveillais à 10 h. À midi c’était l’heure de manger. Après je faisais la sieste jusqu’à 17 h. Après, je jouais au baby-foot, je regardais la télé, ou je jouais au foot. Mais on n’avait pas de vrai ballon, la balle était en mousse et la cour est toute petite, environ 4 m sur 4 m ou 4 m sur 5 m. On ne peut donc pas y aller à beaucoup. De temps en temps j’allais voir l’infirmière parce que je suis malade, je dois être opéré. Mais elle refusait de me recevoir. Elle me donnait seulement des médicaments pour dormir. J’étais stressé au CRA, je ne savais pas si on allait me renvoyer au bled. Je voyais des gens se faire expulser. Je ne savais pas ce qu’il allait se passer, si j’allais partir ou pas. J’ai compris seulement à mon dernier jour que je ne serai pas renvoyé au bled.
Vous pensiez que vous alliez vous faire expulser ?
Oui. Pour éviter l’expulsion, j’ai mangé des vis, j’ai mangé des lames de rasoir. J’étais prêt à tout pour ne pas retourner au bled. En même temps qu’est-ce que je vais faire au bled ? J’ai ni père ni mère ni maison là-bas. Ma sœur, ma famille vit ici, ma vie est ici. J’étais prêt à faire n’importe quoi pour rester, et je ne suis pas le seul. J’ai vu un retenu qui préférait se pendre plutôt que de se faire renvoyer au pays. Au début, la police n’a rien fait pour lui, c’est un autre retenu qui a appelé les pompiers. Les policiers pensent que nous faisons du cinéma pour ne pas rentrer au bled. Le jour où j’ai avalé des vis, les pompiers sont venus mais la police ne les a pas laissés entrer. Une heure trente plus tard, les policiers m’ont finalement emmené à l’hôpital, parce que je crachais du sang. En fait je suis allé quatre fois à l’hôpital en quatre jours. Les policiers ne voulaient pas m’y laisser par peur que je m’échappe, deux policiers gardaient ma chambre en permanence. Chaque jour ils m’emmenaient à l’hôpital puis me ramenaient quelques heures plus tard au CRA.
Comment s’est passée votre sortie ?
À ma sortie j’étais toujours sous OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). J’avais 7 jours* pour quitter la France par mes propres moyens, alors qu’au CRA, j’avais la possibilité de partir gratuitement en coopérant avec l’administration. Ce n’est pas logique ! En plus je n’ai ni travail, ni famille, j’ai rien au bled… et je dois être bientôt opéré.
* Pendant ces 7 jours, l’étranger ne peut pas être expulsé par les autorités. S’il n’a pas été expulsé durant son séjour au CRA, c’est pour des raisons administratives. Après ces 7 jours, il peut être immédiatement replacé en CRA.
Propos recueillis par l’équipe du Petit ZPL