« J’avais déjà goûté à leur délicieuse soupe de courge […] ainsi que de savoureux biscuits au safran »
Grégoire de Lasteyrie, post Facebook du 14/10/2024
accompagné d’une photo souriante, courge ronde à la main.
Oh, la belle épice qu’on tire des jolies fleurs ! Officiellement, c’est la plus chère du monde d’après le ZoPaL Guiness of Record. Crocus Sativus — le Safran cultivé — est ce genre de plante qui n’existe pas à l’état sauvage. On l’a tellement croisée et recroisée, plantée et protégée qu’elle meurt toute seule en cas de retour à la nature.
En vrai, son existence au safran, c’est un accident génétique. C’est une plante triploïde — c’est comme si elle avait la trisomie 21, mais pour tous ses chromosomes (et pas seulement le n°21). On vous laisse imaginer les chances de survie qu’elle peut avoir dans une prairie sauvage.
Les plantes du genre Crocus possèdent un gros bulbe souterrain et ressortent pour fleurir d’une année sur l’autre. Le safran, pour le coup, a vraiment un gros bulbe qui peut faire une dizaine de fleurs à lui tout seul. De belles fleurs violacées, avec 3 anthères jaune vif (la partie mâle de la fleur), un pistil avec 3 stigmates rouge écarlate (la partie femelle), et puis de longues et belles feuilles d’un beau vert franc. Une fleur vraiment superbe, magnifique, infoutue de faire la moindre graine (souvenez-vous : accident génétique).
Pour parler franchement, le safran c’est un truc un peu pénible à cultiver. Genre hyper-pénible. Tellement pénible que si l’on en croit « l’histoire du safran » de Wikipédia, ce serait « une culture très rentable, dès lors que du travail non rémunéré est disponible » (sic).
Un joli pactole de proximité
C’est vrai qu’à 30 ou 45 000 € le kilo d’or rouge (soit seulement 150 000 fleurs), on sent bien que les petites mains qui s’escriment du matin au soir à retirer les pistils inutiles à la reproduction de la plante n’ont pas besoin d’être beaucoup payées.
Un grand symbole de prestige, le safran. Nombreuses vertus médicinales, une teinture pour les habits des nobles ou du clergé, il n’en faut pas moins pour multiplier la prod’ par une équation toute simple : 1 kg de curcuma = 10 € = 1 kg de « safran & curcuma » ≈ 1 kg de « safran » = 45 000 €.
Explication. Sachant qu’un kilo de curcuma se vend 10 € et sachant qu’il est souvent mélangé avec du safran (ou le contraire). Si on admet que le curcuma mélangé à du safran contient bien plus de safran que ce qu’il en contient vraiment, voire que le curcuma est revendu au prix du safran, ça revient à 45 000 € le kilo. C’est comme vendre de la farine au prix de la cocaïne, tu vois ? Ce trafic, à base de mensonge sur la proportion de safran / curcuma — voir sur la revente de curcuma étiqueté safran — est assez connu.
À bon entendeur, salut. C’est bien avec du safran que notre si cher Grégoire de la Scierie pense investir pour « nourrir » Palaiseau. Il a tout compris, le petit. Un bon repas au safran, c’est 5 pistils pour 250 g de pâtes ! Avec ça, on va pouvoir réduire drastiquement la quantité d’hectares de blé. Plus besoin de tous ces champs pour manger. D’ailleurs, au-delà de 5 à 10 grammes, le safran est un poison létal. Il n’en faudrait pas trop.
Et puis, c’est vrai que les usines Safran « aéronautique, défense et sécurité », ça prend de la place sur le plateau. Vu la multiplication des hélicos dans le ciel, il fallait bien changer de régime. Sinon, on vous conseille la soupe d’orties.